Guerres et conflits au Proche et au Moyen-Orient hier et aujourd'hui: quelles différences?

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Dr. Marc ABOU ABDALLAH

Le Proche-Orient est l’une des régions du monde où les guerres et les conflits sont les plus nombreux depuis des millénaires. Cependant, la recherche sur ce sujet demeure un travail exigeant étant donné d’abord l’absence, parfois quasi totale, de sources directes, et ensuite, la présence de différents enjeux internes et externes, qui doivent être absolument pris en considération. Toutefois, notre recherche tente de mettre en évidence plusieurs éléments importants à travers une étude comparative de certains conflits et guerres au Proche-Orient parmi lesquels : le conflit égypto-hittite et la bataille de Qadesh vers 1274 av. J.-C. Le conflit égypto-assyrien et la bataille de Qarqar vers 853 av. J.-C. Le conflit et les guerres ottomano-perses au 16e s. Le conflit égypto-ottoman et la guerre de Mohamad Ali en 1831. Après en avoir examiné les raisons fondamentales, nous pouvons répondre à la problématique suivante : existe-t-il des différences entre les guerres et les conflits d’hier et ceux d’aujourd’hui au Proche et au Moyen-Orient ?

1. Le conflit égypto-hittite et la bataille de Qadesh vers 1274 av. J.-C.

Vers la fin de la première moitié du deuxième millénaire avant notre ère, le Proche-Orient a connu des changements radicaux qui se manifestent par le repli de l’Égypte et la montée de l’empire hittite. La situation décadente de l’Égypte qui est due particulièrement à la domination des Hyksôs au 17e siècle av. J.-C.Note de bas de page 1, mène à son retrait politique et militaire de la côte orientale de la Méditerranée. Néanmoins, l’empire hittite, dont les origines remontent au 18e s. av. J.-C. en AnatolieNote de bas de page 2, a pu combler ce vide, notamment après avoir pacifié ses frontières nord-est vers la fin du 15e s. av. J.-C. Les rois hittites se dirigent au 14e s. av. J.-C. vers le sud de l’Anatolie pour se venger des cités-états rebelles et désobéissantes envers les dieux hittites dans le but d’instaurer leur hégémonieNote de bas de page 3. Par conséquent, ces événements ont offusqué les Égyptiens car leurs intérêts stratégiques étaient menacés ; en conséquence leur réaction a marqué le début du conflit égypto-hittite.

L’Égypte était hors d’état de réagir avant d’avoir été libérée des Hyksôs et d’avoir réglé ses problèmes internes. Vers 1560 av. J.-C., les souverains thébains s’apprêtaient à libérer l’Égypte, et les deux derniers souverains de la 17e Dynastie allaient prendre les armes et réussir à chasser les HyksôsNote de bas de page 4. Ensuite, les pharaons de la 18e Dynastie allaient beaucoup plus loin de la frontière égyptienne ; Thoutmosis I (1504-1492 av. J.-C.) inaugura véritablement l’emploi de la force armée comme instrument de politique étrangère des pharaons du Nouvel EmpireNote de bas de page 5. Après avoir calmé ses frontières méridionales en NubieNote de bas de page 6, il mena des expéditions militaires contre le Mitanni qui représentait en effet le premier danger stratégique, car il est très vraisemblable que les Hyksôs étaient d’origine mitannienneNote de bas de page 7. Quoi qu’il en soit, les expéditions de Thoutmosis I encouragèrent ses successeurs à les suivre. Thoutmosis III (1482-1458 av. J.-C.) put atteindre l’apogée lors de la traversée de l’Euphrate qui semble avoir été l’un des événements militaires qui marqua l’imaginaire de toute une générationNote de bas de page 8. Cet essor égyptien qui affaiblit le Mitanni correspondait au réveil de l’empire hittite qui menaçait les Mitanniens d’avoir à conduire une guerre sur deux frontsNote de bas de page 9. C’est la raison pour laquelle le Mitanni était obligé de conclure la paix avec l’Égypte. Cependant, bien que la situation au Proche Orient ait été favorable à l’Égypte, cette dernière se retira pour des raisons internes et son pharaon Aménophis IV (1350-1334 av. J.-C.) se montra peu enclin à y intervenir. Étant donné cette nouvelle situation géopolitique, l’empire hittite put accéder au rang de grande puissanceNote de bas de page 10 particulièrement sous le règne de Suppiluliuma (1375-1335 av. J.-C.). Ce souverain hittite dirigea vers le milieu du 14e s. av. J.-C. une série de campagnes militaires punitives contre les cités-états rebelles du Proche-OrientNote de bas de page 11, telles que OugaritNote de bas de page 12. Cette politique étrangère de Suppiluliuma correspond bel et bien à l’intention des dieux hittites qui s’opposait, selon l’idéologie hittite, à celle des dieux étrangers, comme le confirme le texte suivant : Il [Suppiluliuma] assiégea pendant sept jours, et le huitième jour, il combattit la ville [Karkemish] dans une bataille terrible pendant une journée. Quand il [le roi] eût conquis la ville, comme mon père craignait les dieux, sur la citadelle supérieure il [le roi] ne laissa personne en présence [des dieux] du Kubaba et LammaNote de bas de page 13. Bien que Suppiluliuma ait indéniablement atteint ses buts politiques et économiques, ses expéditions eurent des conséquences remarquables sur le Proche-Orient. En effet, elles ont fait renaître l’esprit d’indépendance dans les anciennes provinces égyptiennesNote de bas de page 14, telles que AmurruNote de bas de page 15. Les habitants de cette région, les Hapirus, soutenus par l’empire hittiteNote de bas de page 16, se soulevèrent au 14e s. av. J.-C. contre toute présence égyptienne au nord du Liban, y compris essentiellement les rois vassaux du pharaonNote de bas de page 17. En raison de la faiblesse de l’ÉgypteNote de bas de page 18 pour y intervenir, les Hapirus purent remporter la victoire en décapitant les rois pro-égyptiens, comme celui de Byblos, Ribaddi. Cet événement fut très important pour l’ÉgypteNote de bas de page 19 comme l’indique une lettre envoyée par ce roi giblite au pharaon : si le roi [de l’Égypte] néglige la ville [de Byblos], de toutes les villes de Canaan, pas une ne sera sienneNote de bas de page 20. De plus, la perte de l’Égypte provoqua chez les peuples du Proche-Orient une perte de prestige fatale à la puissance égyptienneNote de bas de page 21. Par ailleurs, Amurru put se libérer de l’influence égyptienne et devenir un royaume indépendant, pour la première fois dans son histoireNote de bas de page 22. Néanmoins, cette indépendance était limitée par les intérêts de l’empire hittite, car Suppiluliuma I força le roi d’Amurru, Aziru à signer un traité de vassalité.Note de bas de page 23

Image : La région d’Amurru disputée entre l’Égypte et l’empire hittite au 15e s. av. J.-C.

Cependant, la fondation d’une nouvelle dynastie et l’arrivée de Séthi I (1290-1279 av. J.-C.) au pouvoir au début du 13e s. av. J.-C. en Égypte purent voir s’écrouler l’édifice géopolitique fondé par l’empire hittite. En effet, la politique étrangère de Séthi I témoignait de sa volonté de ne pas accepter la situation qu’avaient créée les campagnes de SuppiluliumaNote de bas de page 24. C’est pour cela que dès sa première année de règne, il lança une offensive en Canaan contre les bédouins et les cités rebelles puis entama des opérations, beaucoup plus importantes, en Syrie qui conduisirent à l’affrontement avec les forces hittitesNote de bas de page 25. Séthi I voulut par le biais de sa politique étrangère montrer sa puissance aux Égyptiens : « J’ai fait charpenter de nombreux bateaux de pin sur les montagnes du Pays du dieu [le Liban], dans les environs de la déesse de Kepny [Byblos]. Ils furent placés sur les chars traînés par des bœufs, afin de précéder Ma Majesté, pour traverser ce fleuve immense qui coule entre ce pays et le Naharin »Note de bas de page 26. Séthi I se vanta de pouvoir récupérer les anciennes provinces qui représentaient un grand intérêt économique pour l’Égypte. Elles lui permettaient en effet de fournir gratuitement certaines matières premières. D’autant plus qu’elles étaient situées sur des voies de communications importantesNote de bas de page 27 pour l’acheminement de ces matières : « Ces pays [...] Sa Majesté les a acquis par ses victoires [...] ; je les connais, je les ai inventoriés et ils ont été placés sous la supervision du trésorNote de bas de page 28. [...] J’ai assigné au Réténou d’en haut [la Syrie] la livraison d’argent, or, lapis-lazuli, pierres fines de toutes sortes, chars et chevaux sans limites, bovins et petit bétail aussi nombreux soient-ils ; j’ai fait que les princes du Réténou d’en haut prissent connaissance du détail de leurs [quotas de] productions annuelles »Note de bas de page 29. Aussi pouvons-nous exprimer que cette propagande compte parmi les raisons les plus importantes des campagnes. Elle permet en effet aux pharaons, et notamment aux fondateurs d’une nouvelle dynastie, d’instaurer leur pouvoir. Se montrer puissant devant son peuple empêche toute sorte d’opposition interne, d’une part, et, d’autre part, effraie l’ennemi.

L’affrontement direct entre l’empire hittite et l’Égypte devint donc incontournable, et leurs armées s’opposèrent à Qadesh en 1274 av. J.-C. Ramsès II (1279-1213 av. J.-C.) voulut suivre l’exemple de son père Séthi I, en faisant porter son effort directement vers le nord, en direction de Qadesh, par la voie de la Beqaa. En effet, le chemin de la côte était difficile, car la montagne forme une paroi abrupte tombant dans la Méditerranée. De plus, la prise du chemin de la Beqaa incitait l’armée hittite à s’y retirer, ce qui permit à Ramsès II de l’attirer jusque dans la région de Qadesh, où elle serait prise comme au fond d’une nasseNote de bas de page 30. D’autant plus, Ramsès II tenta de rejoindre le pays d’Amurru par la trouée de HomsNote de bas de page 31, en refusant de l’abandonnerNote de bas de page 32. En effet, ce pays jouit d’une situation stratégique considérable, tout d’abord au niveau géographique ; celui qui le domine peut dominer les voies de communications reliant le nord du Proche Orient avec le sud et l’est avec l’ouest. Ensuite au niveau politique, Mouwatalli ne pouvait pas assister sans réaction à la défection d’Amurru, dont l’exemple aurait pu donner, par contagion, envie de l’imiter à d’autres de ses vassaux épris d’indépendance. La seule riposte hittite qui fût égale à cette menace égyptienne était donc de détruire l’armée de Ramsès II, ou de lui infliger une défaite si cuisante qu’il fut contraint de renoncer à ses ambitions en AsieNote de bas de page 33. Il est vraisemblable donc que « Mouwatalli et le roi d’Égypte combattirent pour les gens d’Amurru »Note de bas de page 34. Afin d’avoir un appui à l’intérieur d’Amurru, l’Égypte encouragea le parti pro-égyptien à se soulever contre la domination hittiteNote de bas de page 35 : « les hommes d’Amurru commirent une offense envers Mouwatalli [et] lui déclarèrent ceci : « Nous étions [tes] sujets de [notre] volonté. Maintenant nous ne sommes plus tes sujets ». Et ils se tournèrent vers le roi d’Égypte »Note de bas de page 36. Par conséquent, le roi d’Amurru s’impliqua directement aux côtés des Égyptiens dans cette bataille, qui s’acheva sans qu’un belligérant pût l’assumer à son profit.

Les deux empires signèrent un traité de paix qui comportait, dans le domaine de la politique étrangère, les engagements réciproques suivants :

  • La renonciation à la guerre et aux empiétements territoriaux.
  • Une assistance militaire contre des ennemis extérieurs ou contre des vassaux révoltés.
  • L’Égypte s’engageait à garantir l’ordre de succession au trône de Hatti.
  • Les deux parties s’obligeaient mutuellement à l’extradition des réfugiés politiques et des émigrants volontaires.
  • Les deux parties s’engageaient à ne porter atteinte ni aux personnes ni aux biens des personnes ainsi extradéesNote de bas de page 37.

Image : Le partage de la côte orientale de la Méditerranée entre l’Égypte et l’empire hittite après la bataille de Qarqar.

Il est incontestable que ce traité fonda une paix relativement durable, puisque, tout au long du règne de Ramsès II, les deux pays ne s’affrontèrent plusNote de bas de page 38. L’Égypte regagna une partie importante de ses provinces qui lui permirent d’éloigner de ses frontières le danger hittite. De son côté, l’empire hittite, par le biais de ce traité, put conserver une partie des régions qu’il avait conquises, en leur accordant d’ailleurs selon la troisième clause une stabilité politique dont elles avaient besoin. Une telle stabilité ne peut être assurée que par l’engagement de l’Égypte d’arrêter toute sorte d’intervention dans les affaires du Proche-Orient. En ce qui concerne les clauses d’extradition pour les opposants politiques, celles-ci visaient notamment les souverains des cités-états, car ce sont eux qui payèrent le prix lourd de ce conflit. En effet, les territoires d’Amurru furent partagés d’une manière plus ou moins équitable entre l’Égypte et l’empire hittite. De plus, le roi d’Amurru, Bentéshina, fut le véritable perdant, car la retraite forcée de Ramsès II lui laissa exposé sans défense à la vengeance des Hittites : Mouwatalli le défit, détruisit le pays d’Amurru par la force des armes et le rendit sujet. Et il fit Shapili roi dans le pays d’AmurruNote de bas de page 39.

D’après le conflit égypto-hittite et la bataille de Qadesh en 1274 av. J.-C. nous pouvons affirmer que l’essor de l’empire hittite était fortement lié à deux facteurs importants : les guerres contre la côte orientale de la Méditerranée et le repli de l’Égypte. L’armée hittite sous l’égide de son empereur était mobilisée selon une intention divine afin de terroriser les opposants à l’intérieur, d’assurer les besoins économiques et d’effrayer les ennemis. C’est la raison pour laquelle l’Égypte n’aurait jamais accepté de se retirer de la côte orientale au profit des Hittites, surtout lorsqu’elle était en état de réagir. Il est donc indéniable que les évènements internes en Égypte eurent des impacts directs sur le Proche Orient, notamment lors de la fondation d’une nouvelle Dynastie et l’arrivée d’un nouveau pharaon au pouvoir. Ces événements nécessitèrent la reprise des provinces asiatiques pour les mêmes raisons qui ont poussé l’empire hittite à s’en emparer. Dès lors, nous pouvons comprendre l’importance géographique de la côte orientale de la Méditerranée qui représente l’espace vital des grandes puissances. Cela empêcha la fondation d’un pouvoir centralisé semblable à celui de Hattusa et de Pi-Ramsès.

2. Le conflit égypto-assyrien et la bataille de Qarqar vers 853 av. J.-C.

Entre le début du 11e siècle av. J.-C. et le début du 9e s. av. J.-C., le Proche Orient connut une période de stabilité qui permit aux cités-états de jouir d’une certaine indépendance politique, due d’une manière indirecte au repli de puissances impériales. Tout d’abord, l’empire hittite fut détruit à jamais à cause de l’invasion des Peuples de la Mer vers le début du 12e s. av. J.-C.Note de bas de page 40. Ensuite, l’empire assyrien, connut, vers la fin du 12e s. av. J.-C., une période très difficileNote de bas de page 41 ayant à gérer divers problèmes, notamment l’expansion araméenneNote de bas de page 42. Bien que Tiglath-Phalazar I (ca 1114-1076 av. J.-C.) ait pu se targuer d’avoir étendu ses conquêtes jusqu’à la Méditerranée au début du 11e s. av. J.-C.Note de bas de page 43, cet exploit, qui n’est pas précisément daté par les sourcesNote de bas de page 44, se limita à la région d’ArwadNote de bas de page 45 et n’eut pas de grandes conséquences politiques. Enfin, l’Égypte traversa au début du 11e siècle av. J.-C. une période d’instabilité aux niveaux politique et économiqueNote de bas de page 46. Au lendemain du règne de Ramsès XI (1080 av. J.-C.) commença une période obscure dominée par la rivalité et l’imbrication observées entre la charge du pontife thébain et l’institution pharaoniqueNote de bas de page 47.

Cette situation politique favorable à la stabilité et à la prospérité des cités-états ne dura pas longtemps. En effet, vers le début du 10e s. av. J.-C. l’Égypte a reprit l’initiative d’intervenir, comme le prouvent les affaires diplomatiques de Padiese en PalestineNote de bas de page 48, durant les jours de Siamun (986-967 av. J.-C.)Note de bas de page 49. Ensuite, le fondateur de la 22e Dynastie, Shéshonq I (ca 945-924 av. J.-C.), mena une campagne militaire contre la Palestine en 924 av. J.-C. en atteignant jusqu’à MegiddoNote de bas de page 50. Shéshonq I voulait par cette campagne apparaître devant les Égyptiens comme un souverain puissant et capable de réprimer toute sorte d’opposition. En outre, il voulut imiter la grandeur des pharaons des époques précédentesNote de bas de page 51, notamment celle de Ramsès II, afin d’apporter à son règne plus de légitimitéNote de bas de page 52, puisqu’il était d’origine libyenne. L’intervention égyptienne dans les affaires de la côte orientale de la Méditerranée ne se limita pas en Palestine. Sheshonq I et ses successeurs Osorkon I (ca 924-890 av. J. C.) et Osorkon II (ca 874-850 av. J.-C.) envoyèrent lors de leur intronisation leur statue royale au temple de la Baalat Goubal à Byblos. Ces trois pharaons voulurent montrer, aux peuples, leur fidélité aux traditions anciennes et aux dieux égyptiens, notamment au dieu AmonNote de bas de page 53. Cette politique étrangère aida les premiers pharaons de la 22e Dynastie à instaurer leur pouvoir avec plus de légitimité. De même, elle les aida au niveau de la politique étrangèreNote de bas de page 54 en récupérant leurs anciennes provinces et notamment Byblos, qui représentait un grand intérêt stratégique pour l’Égypte.

Cependant, les rois assyriens, qui n’étaient pas si loin de ces interventions, ne tardèrent pas à riposter. Après avoir réglé leurs problèmes internes, ils entamèrent, à partir du milieu du 9e s. av. J.-C., une série de campagnes militaires vers la côte orientale de la Méditerranée. Les raisons de ces campagnes étaient très claires : tout d’abord les Assyriens voulaient libérer cette région de l’influence égyptienne qui, si elle se développait, pourrait menacer la royauté en Assyrie. Ensuite au niveau économique, les techniques et la culture déséquilibrée ont donné aux Assyriens l’opportunité concrète et la force nécessaire pour intervenir dans cette région, prendre les biens de ses habitants et leur main-d’œuvre et les utiliser au profit du système assyrienNote de bas de page 55. Cette impulsion visant à l’expansion continuelle de l’Empire étaient soutenues et favorisées par un système idéologique complexe basé sur la prééminence accordée au dieu Ashur, qui justifiait et encourageait sans cesse les activités du roiNote de bas de page 56. Nous lisons dans une lettre « écrite » par le dieu au roi, en le louant d’avoir exécuté ses ordres et en lui rappelant qu’il avait en tout état de cause soutenu sa royautéNote de bas de page 57 : « J’ai envoyé devant toi mes armes terribles pour vaincre tes ennemis. A la mention de ton nom, que je fis grand, tes troupes marchent victorieuses n’importe où se déroule une lutte armée. Grâce à tes prières et à tes supplications constantes, par lesquelles tu as imploré ma grande divinité, je fus à ton côté et je déversai le sang de tes ennemis »Note de bas de page 58. Dans le même cadre, Salmanazar III affirme, après avoir cité les dieux assyriens, qu’il avait été choisi par le dieu Enlil afin de soumettre les pays voisins et de gouverner le monde au nom du grand dieu AshurNote de bas de page 59. En effet, la religion conduisait le peuple à croire que l’obéissance aux institutions le mettait en harmonie avec l’ordre fondamental de l’universNote de bas de page 60. De plus, elle renforçait la société en fournissant une réponse ultime et irréfutable à la question suivante : pourquoi la société est-elle ordonnée comme elle l’estNote de bas de page 61? Les guerres contre l’Ouest de l’Euphrate et la manipulation de la religion étaient donc indispensables afin d’établir le pouvoir royal, en lui accordant une légitimité.

L’Égypte sentit le danger assyrien, mais puisqu’elle n’était pas en état de réagir directementNote de bas de page 62, elle a encouragea certaines cités-étatsNote de bas de page 63 qui étaient sous son influence à attaquer le souverain assyrien. L’affrontement direct entre Salmanazar III et les cités coalisées rapportée dans plusieurs inscriptions néo-assyriennesNote de bas de page 64 eut lieu à Qarqar vers 853 av. J.-C. dans la région de HamatNote de bas de page 65. En effet, cette dernière jouissait d’une importance géographique remarquable, car elle était située à un carrefour de voies de communications liant les différentes régions du Proche-Orient. La conséquence directe de cette bataille reste incohérente car, malgré l’affirmation de Salmanazar III selon laquelle il remplit les rivières du sang de ses adversairesNote de bas de page 66, il ne put pas forcer le passage et dut rebrousser cheminNote de bas de page 67. Cet état de fait était dû principalement à de problèmes internes en Assyrie qui nécessitaient son retour. Mais quoi qu’il en soit, l’Égypte a pu atteindre son but en diminuant la férocité du roi assyrien et en écartant le plus possible son avance vers le sud du Levant. Car si cette bataille n’avait pas eu lieu et si Salmanazar III n’avait pas été obligé de rentrer en Assyrie, il aurait dû continuer sa marche vers la Palestine en menaçant les frontières égyptiennes à Gaza. Par ailleurs, les conséquences de ce conflit et de cette guerre étaient plus considérables dans les cités-états qui s’engagèrent dans une bataille qui n’était pas la leur. Elles étaient manipulées par l’Égypte alors que celle-ci n’était guère prête à intervenir pour les soutenir. Les pertes humaines furent atroces comme le confirment d’ailleurs les sources assyriennes et l’absence de sources locales. En revanche, l’absence de certaines cités-états, comme par exemple SidonNote de bas de page 68 et TyrNote de bas de page 69, exprime une stratégie importante. En effet, si elles avaient participé à côté de Salmanazar III et si l’alliance avait gagné, elles auraient été prises face au danger égyptien. À l’inverse, si elles avaient participé à côté de l’alliance anti-assyrienne et si Salmanazar III avait gagné, elles auraient été prises face au danger assyrien. Cela est exprimé par les événements qui eurent lieu après cette bataille.

Une fois que Salmanazar III eut réglé ses problèmes internes, il revint pour soumettre les villes rebelles. Il affirme qu’après avoir marché vers la montagne Ba‘al-ra’si, il a reçu des tributs des Tyriens, des Sidoniens et de Jéhu (le fils) de Bīt-Ḫumri (Omri)Note de bas de page 70. En 837 av. J.-C., il fut forcé de marcher contre Damas et il affirme à cet égard : « dans ma 21e année j’ai traversé l’Euphrate pour la 21e fois; [et] j’ai marché contre Hazaël de Damas. J’ai capturé quatre villes [et] j’ai reçu ; des tributs des Tyriens, des Sidoniens [et] des Giblites »Note de bas de page 71. La prise de Damas par Salmanazar III fut une affaire indispensable, car cette ville devint le nouveau centre du pouvoir au LevantNote de bas de page 72. Cette politique consistant à s’emparer des points stratégiques était une tactique militaire appliquée par les grandes puissances, telles que l’Égypte du Nouvel EmpireNote de bas de page 73. En effet, cela permettait tout d’abord, contrairement à une domination durable et vaste, à l’armée assyrienne de se mobiliser dans un court délai, soit contre les rebelles des cités-états, soit contre une intervention égyptienne probable. En outre, cette politique aidait par exemple l’empire assyrien, grâce à sa domination sur la ville de Barsip sur l’EuphrateNote de bas de page 74, à dominer les voies de communications importantes qui menaient de la Mésopotamie vers la Méditerranée et vice versaNote de bas de page 75. C’est l’une des raisons pour lesquelles les cités-états étaient incapables d’affronter les puissances impériales, quelle que soit la position politique qu’elles aient adoptée.

Les conséquences économiques et politiques de cette marche sur les cités-états levantines furent assez étonnantes. Tout d’abord, ces cités-états représentaient un grand intérêt économique pour les AssyriensNote de bas de page 76. En effet, la conquête d’une ville, qu’elle fut ou non complètement rasée, s’accompagnait de destructions importantes et surtout du pillage presque intégral du mobilier des bâtiments publicsNote de bas de page 77. De plus, les inventaires du butin rapporté de la guerre, nous donnent une idée de la richesse du Levant pillée par les conquérants assyriens. Par ailleurs, le passage du Proche-Orient de la domination égyptienne à la domination assyrienne eut des conséquences indirectes sur la situation politique des cités-états. La mention des Giblites parmi les peuples soumis au souverain assyrien et l’absence de l’influence égyptienne à Byblos implique très vraisemblablement que le groupe pro-assyrien ait pu remplacer le groupe pro-égyptien au pouvoirNote de bas de page 78. Enfin, les Tyriens, les Sidoniens et les Giblites n’eurent d’autre choix que de payer des lourds tributs et d’être soumis à Salmanazar III, dont la suprématie s’étend, en 837 av. J.-C., des hauts plateaux d’Amanus jusqu’à l’ensemble du LibanNote de bas de page 79.

D’après le conflit égypto-assyrien et la bataille de Qarqar en 853 av. J.-C. nous pouvons arguer que la stabilité politique de n’importe quelle puissance impériale dépendait essentiellement de la soumission de la côte orientale de la Méditerranée. Le roi en Assyrie, afin d’instaurer son pouvoir, devait mener des guerres qui sont d’ailleurs justifiées par la volonté des dieux. Elles permettaient aux rois assyriens d’établir une stabilité politique en instaurant son hégémonie sur tout le Proche-Orient, et jouir d’une prospérité économique en exploitant toute sa richesse. Cependant, l’ascension d’un nouveau pharaon au trône en Égypte causait des troubles pour les Assyriens. Bien qu’elle ait été incapable d’affronter directement les Assyriens, l’Égypte a manipulé certaines cités-états situées sous son influence afin de diminuer la férocité de Salmanazar III. Ce conflit et la guerre de Qarqar prouvent, sans aucun doute, que les cités-états ne sont que des instruments manipulés par les grandes puissances, ce qui leur valut de payer lourdement le prix de ce conflit.

Image : Les trois régions stratégiques au Proche-Orient que l’empire assyrien ait combattu pour les dominer durant la première moitié du premier millénaire avant notre ère.

3. Le conflit et les guerres ottomano-perses au 16e s.

Bien que les origines de l’État ottoman soient plus ou moins mystérieuses, son histoire débute avec la migration des groupes nomades parlant la langue turque de l’Asie centrale et de Mongolie vers la Transoxiane, le plateau iranien et l’Asie MineureNote de bas de page 80. Par suite de ces migrations, les tribus ottomanes purent s’unifier et fonder un État dans l’est de l’AnatolieNote de bas de page 81. Ce dernier put profiter, à partir du 14e s., des conflits inter-musulmans et de l’affaiblissement de l’empire byzantin pour élargir ses frontières dans toutes les directions. En 1453, le souverain ottoman, Mohammad le Conquérant, s’empara de ConstantinopleNote de bas de page 82, et en conséquence, il devint le plus puissant et le plus populaire dans tout le monde musulmanNote de bas de page 83. En effet, la prise de Constantinople était un grand rêve depuis les califes Omeyyades à partir de 674 : tout d’abord, la ville bénéficiait d’une situation stratégique et financière assez importante, étant un centre commercial reliant l’Asie à l’Europe. En outre, elle jouissait d’une valeur symbolique considérable, étant la Rome de l’Orient et le centre de la culture grecqueNote de bas de page 84. Donc sa prise aida les ottomans à acquérir une légitimité religieuse dont ils avaient besoin pour pouvoir éliminer toute autre puissance au Proche-Orient et y établir la leur.

L’empire des Mamelouks, qui a bien manipulé la religion musulmane sunnite dès la fin du 13e s.Note de bas de page 85, apparaît en Égypte au début du 16e s. comme la principale puissance du monde islamiqueNote de bas de page 86, notamment en Égypte et en SyrieNote de bas de page 87. Cependant, les Mamelouks connurent vers la fin du 15e s. de sérieux problèmes qui causèrent leur affaiblissementNote de bas de page 88. Cela les força au début du 16e s. à conclure une alliance avec l’Iran pour affronter la montée de l’empire ottomanNote de bas de page 89. Pourtant, les Mamelouks avaient considéré comme un grand danger l’arrivée des Safavides au nord-est de la MésopotamieNote de bas de page 90.

En revanche, les Ottomans appliquèrent, sans aucune déviation, le sunnismeNote de bas de page 91 afin de montrer qu’ils étaient les seuls défenseurs de sunnisme dans le mondeNote de bas de page 92. Ils n’attendirent pas longtemps pour combattre l’empire Mamelouk dont l’existence menaçait l’essor de l’empire ottoman. La guerre entre ces deux Puissances devint inévitable, surtout après que le Sultan Selim I (1512-1520) eut mis fin à ses guerres contre le Saint Empire romainNote de bas de page 93. Les armées ottomanes et mamelouks s’opposèrent dans une bataille brève mais fameuse le 24 août 1516 à Marj Dabiq au nord d’Alep. En conséquence, l’armée ottomane remporta une victoire décisive et le sultan Selim I put, depuis l’Anatolie et durant moins de deux ans, occuper Damas et marcher vers Le Caire afin de liquider l’état des MamelouksNote de bas de page 94. Ensuite, les ottomans, afin de faciliter leur domination sur l’Égypte, eurent circulé des rumeurs disant que les Mamelouks étaient sympathisants des ShiitesNote de bas de page 95. Enfin, l’empire Mamelouk disparut à jamais et les Ottomans intègrèrent dans leur armée des soldats mamelouks assez compétents et parlant le turcNote de bas de page 96. Les Ottomans purent en outre dominer la Mer RougeNote de bas de page 97 où ils menacèrent les navires portugais et dominer le commerce dans l’océan IndienNote de bas de page 98. L’empire ottoman devint ainsi une grande puissance impériale au Proche-Orient, dont les frontières allaient des montagnes de Zagros à l’est jusqu’au Maghreb à l’ouest, des Balkans au nord-ouest jusqu’au Yemen et à Hadramout au sud. Cette nouvelle puissance impériale exprima son droit de gouverner en termes de conservatisme religieux, se donnant comme Califes, protecteurs des villes saintes, champions de l’orthodoxie sunnite et patrons des arts et des apprentissages du monde musulmanNote de bas de page 99. La stabilité de la royauté ainsi que de l’empire ne saurait être vue en dehors de ce cadre religieux qui poussa les Ottomans à conduire des guerres sur leurs frontières européennes contre les puissances chrétiennes. Cependant, les Ottomans durent assumer la direction du monde musulman en éliminant la puissance de l’Iran qui risquait de déstabiliser leur empire.

Le conflit ottomano-perse au 16e s. constitue une part importante du grand conflit entre Sunnites et Shiites qui datait d’ailleurs des premiers jours de la naissance de l’IslamNote de bas de page 100. Le Shiisme ou les partisans d’Ali ibn Abi TalibNote de bas de page 101 et la succession de douze imams devait prendre plusieurs formes de partialité, notamment politiques.

Celles-ci se manifestaient par des rébellions contre ceux qui cherchaient à organiser et à régir la communauté musulmane selon l’exemple du Prophète et des traditions, c’est-à-dire contre les SunnitesNote de bas de page 102. La première guerre civile (al-fitna) eut lieu à l’époque du deuxième calife orthodoxe ‘UthmanNote de bas de page 103. Le conflit se perpétua ensuite sous les premières puissances musulmanes sunnites, les Umeyyades et les Abbasides qui éloignèrent les Shiites de leurs centres du pouvoir, Damas et Bagdad. Les Shiites durent se réfugier dans les montagnes, telles que le Mont-Liban, ainsi que dans les régions éloignées du pouvoir politique, telles que la région de Khourasan au nord-est de l’Iran. Dans cette région, ils firent, à partir du début du 16e s., une forte impression parmi les Iraniens musulmansNote de bas de page 104, quand le souverain safavide, le Shah Isam’il unifia la Perse et établit le duodécimain Shiite comme la religion officielle de son ÉtatNote de bas de page 105. Il affirme à cet égard : « Mon nom est Shah Isam’il. Je suis le mystère de dieu. Je suis le chef de tous les peuples. Ma mère est Fatima, mon père est Ali ; je suis le chef de douze imams. J’ai rétabli le son de mon père à partir de Yazid »Note de bas de page 106. Dans ce même contexte, Isma’il proclama : « Dieu et les Imams immaculés sont avec moi, je ne crains personne, avec l’aide du Dieu, si les gens prononcent un seul mot de protestation je tire l’épée et je ne laisse personne entre eux vivant »Note de bas de page 107. Le Shah alla beaucoup plus loin jusqu’à demander à être vénéré et à recevoir ‘l’adoration’ semblable à celle de DieuNote de bas de page 108. Les Safavides firent du duodécimain Shiite et du pouvoir du Shah les principaux fondements idéologiques de leur puissance en Iran. Ainsi, tant que le Shah put élargir l’espace géographique où il pouvait imposer le duodécimain Shiite, son empire ainsi que sa royauté jouirent de plus de stabilité et de prospérité. Ces fondements idéologiques allaient absolument contre ceux de l’empire ottoman.

Les Iraniens rêvaient de faire renaître leur empire antique, qui s’étendait de l’Asie centrale jusqu’à la côte orientale de la MéditerranéeNote de bas de page 109. La réalisation de ce rêve leur permit entre autre d’exporter leur soie en EuropeNote de bas de page 110. Au début du 16e s., les Européens demandèrent à travers leur consul, en Alexandrie, à Damas et à Tripoli, au Shah Isma‘il de collaborer avec eux afin de mettre fin à l’empire ottomanNote de bas de page 111. Cependant, ce dernier a dévoilé la collaboration entre le Portugal et les Perses comme si elle ne menaçait pas exclusivement la suprématie de l’empire ottomanNote de bas de page 112 mais également le monde musulman. Par ailleurs, grâce à son pouvoir et à son prestige parmi les tribus de la région du nord-est de la Syrie et sud-est de l’AnatolieNote de bas de page 113, le Shah Isam’il manipula ces tributs afin de perturber l’hégémonie ottomane. Cela força le sultan Selim I à une réponse violente : des milliers de personnes suspectes d’être sympathiques aux Safavides furent massacrées et leur cadavre rejeté dans les rues en rappel à tous ceux qui rêvaient de joindre les Shiites iraniensNote de bas de page 114. Mais cela ne mit guère fin au conflit entre ces deux puissances, et la guerre entre elles devint donc incontournable.

Image : L’empire Safavide et l’empire Ottoman à partir du 16e s.

La situation s’aggrava entre les deux belligérants lorsque leurs armées s’affrontèrent le 23 août 1514 au nord-est du lac de VanNote de bas de page 115. Les Iraniens subirent la défaite et furent obligés de battre en retraite. En revanche, l’armée ottomane put atteindre l’Azerbaïdjan en s’emparant de Tabriz, le centre administratif et militaire des SafavidesNote de bas de page 116. Les Ottomans purent ainsi conquérir le sud de l’Irak et arriver au golfe persique, où le sultan Suleyman entreprit de construire une force navale afin d’établir la prépondérance ottomane dans l’océan IndienNote de bas de page 117.

Par la suite, les frontières entre ces deux puissances furent relativement stables, et les Safavides restèrent intimidés. Cette nouvelle situation géopolitique à l’est de l’empire permit à l’armée ottomane de se diriger vers l’Ouest, où elle put traverser le Danube en réalisant une victoire stratégique et décisive à Mohács en 1526Note de bas de page 118. Profitant de cette victoire qui ajouta plus de légitimité religieuse, et de l’affaiblissement des Safavides, le sultan attaqua l’Iran en 1534 et parvint ainsi à établir un cordon sanitaire autour de l’empire SafavideNote de bas de page 119. Ce dernier devint entouré d’ennemis de divers côtésNote de bas de page 120. Enfin, ce succès permit aux Ottomans de contrôler les liens iraniens avec l’est de l’Anatolie et la Géorgie et de dominer les villes de Baghdâd et de Basra.

Au milieu du 16e s., les tensions politiques entre les deux empires comportèrent une dimension religieuse significativeNote de bas de page 121. En effet, la propagande ottomane officielle décrivait le conflit contre les Safavides comme un effort d’extirpation de l’hérésieNote de bas de page 122. De leur côté, les Safavides ont soutenu la propagande religieuse des derviches en AnatolieNote de bas de page 123 qui visait à la déstabilisation de l’empire ottoman. Pourtant, ce dernier, malgré sa supériorité militaire, ne parvint pas à éliminer en entier le danger de la haute motivation safavide de leur mouvement religieux parmi les ShiitesNote de bas de page 124.

Image : L’empire Ottoman

Par ailleurs, le Shah entama des offensives militaires contre les Ottomans à l’est de l’Anatolie, ce qui amena les Ottomans à répondre en 1553 en lançant une campagne militaire qui leur permit de contrôler tout le KurdistanNote de bas de page 125. En conséquence, les deux partis signèrent à Amasya en 1555 un traité de paixNote de bas de page 126, selon lequel les Iraniens reconnaissaient la souveraineté ottomane sur l’Irak et les régions situées au nord d’Azerbaïdjan, y compris le KurdistanNote de bas de page 127. En contrepartie, les Ottomans établirent des relations amicales avec les SafavidesNote de bas de page 128. Cette période de paix relative ne dura guère ; en effet, à partir de 1578, la situation politique se dégrada par suite de la mort du sultan Mohamad III. Les armées de deux empires s’opposèrent à plusieurs reprisesNote de bas de page 129, sans qu’aucune ne puisse remporter une victoire définitive. Entre temps, afin de trouver un appui à l’intérieur de l’empire ottoman, l’Iran manipula, entre 1580 et 1581, les Shiites de l’est de l’AnatolieNote de bas de page 130, convaincus d’être engagés dans une guerre religieuse contre les Ottomans sunnitesNote de bas de page 131. De son côté, l’empire ottoman encouragea les Uzbeks à attaquer l’Iran à l’estNote de bas de page 132. En dépit de toutes ces interventions et batailles sanglantes, le conflit ottomano-perse n’aboutira qu’après la chute de l’empire ottoman en 1918.

L’impact du conflit ottomano-perse fut très lourde au Proche-Orient, et notamment sur les peuples considérés comme hérétiques par l’empire ottoman, à savoir les minorités non-sunnites. Au début du 16e s., les Shiites qui habitaient Alep furent persécutés et forcés de quitter la ville et de se réfugier à Jabal ‘Amil, au sud du Liban. Par ailleurs, les Ottomans entamèrent une expédition punitive contre les Druzes du Mont Liban par suite de leur révolte de 1523Note de bas de page 133, bien que les maanides aient été à côté des Ottomans lors de la bataille de Marj DabiqNote de bas de page 134 et aient obtenu des récompenses politiquesNote de bas de page 135. Cette expédition était considérée par les Ottomans comme un cas exemplaire pour toutes les autres minorités, et avait pour but d’assurer la récolte des impôts indispensables à la machine de guerre. Cet événement correspondait à une campagne de propagande religieuse contre les DruzesNote de bas de page 136 afin de justifier la férocité ottomane contre cette minorité, l’empire étant le seul défenseur du sunnisme. Par ailleurs, il est certain que les Safavides n’étaient pas en mesure d’intervenir directement au profit de n’importe quelle minorité. Néanmoins, ils pratiquèrent presque la même politique que les Ottomans en éliminant toutes les zones grises de l’ambiguïté confessionnelle et diverses formes de tolérance en IranNote de bas de page 137.

L’intolérance ottomane vis-à-vis des minorités non-sunnites eut des conséquences très graves, car elle poussa d’une part les Maronites et d’autre part les Shiites à renforcer leurs relations au-delà de la frontière ottomane. Les Maronites renouèrent leurs relations avec l’Occident et notamment avec l’Église catholique, et les Shiites établirent de bonnes relations avec les Safavides d’IranNote de bas de page 138. Mais cet état de fait engendra des problèmes majeurs à l’intérieur de ces communautés mêmes, certains Maronites étant contre l’influence de l’Église catholique et le courant de latinisation au sein de leur communautéNote de bas de page 139. De même, une part des Shiites ne supporta pas le Shah Isma’il et elle exprima ses mécontentements envers les SafavidesNote de bas de page 140, d’autant plus que l’empire ottoman s’était montré parfois tolérant envers les Shiites. Le voyage de Zayn al-Din ibn ‘Ali à Istanbul et son enseignement des lois shiites et sunnites à Baalbeck en 1545 prouvent que cette personne n’avait aucune raison de quitter l’empire ottoman en raison de ses croyances religieusesNote de bas de page 141. De plus, bien que les Shiites n’aient pas souffert de massacres comme les DruzesNote de bas de page 142, certains de leurs chefs politiques étaient en bons termes avec les autorités ottomanesNote de bas de page 143. Plusieurs familles shiites notables gouvernèrent quelques villes, telles que Medina et Lahsa, mais à la condition de pratiquer la dissimulation, al-taqiyaNote de bas de page 144 et d’être fidèles à l’empire ottoman. La tolérance ottomane envers les Shiites ne concernait pas ceux-ci en tant que minorité religieuse, mais plutôt en tant qu’habitants de l’Empire. En effet, certaines opérations de persécutions avaient pour but d’imposer un pouvoir centralisé et urbain dans des régions montagneuses et rurales où vivaient les minorités. Néanmoins cette stratégie ottomane qui s’exprimait en termes d’« hérésie contre orthodoxieNote de bas de page 145 » mena à l’humiliation et à la marginalisation des Shiites dans l’empire ottomanNote de bas de page 146.

La relation entre l’État ottoman et ces minorités dépendait essentiellement de la relation entre l’empire ottoman et l’Iran. On voit par exemple que, durant les guerres entre l’empire ottoman et l’Iran, vers la fin du 16e s., le sultan Suleyman, le rénovateur de la foiNote de bas de page 147, a réformé l’État en réorientant les fondations idéologiques de l’empire ottomanNote de bas de page 148. Abou-Su‘ud, le juriste de Suleyman, publia un fatwa qui accrut légitimité religieuse du sultan et instaura une seule tradition juridique, al mazhab al-Hanafi, afin de mieux répondre aux besoins du gouvernement ottomanNote de bas de page 149. En conséquence, il avait le droit de poursuivre les duodécimains shiites à volontéNote de bas de page 150, ce qui obligea ceux-ci à quitter l’empire ottoman pour l’IranNote de bas de page 151. De plus, les Ottomans interdirent le pèlerinage iranien à l’intérieur de leur territoireNote de bas de page 152 et les ordres du gouvernement à cet égard étaient très clairsNote de bas de page 153. Citons l’exemple du Baha’ al-Din al ‘Amili, un haut fonctionnaire safavide, qui était de retour à Jabal ‘Amil en 1583 et fut obligé de se déguiser et d’éviter ses admirateurs à Alep afin de ne pas être reconnu par les autorités ottomanesNote de bas de page 154.

Pour conclure, nous pouvons affirmer que la vraie raison du conflit ottomano-perse au 16e s. consistait dans les fondements idéologiques de ces deux empires. Ce conflit était le résultat final, d’une part, de la transformation des Safavides en une institution politique accomplie par le Shah Isma’ilNote de bas de page 155 et, d’autre part, de la manipulation de la religion musulmane sunnite par les Ottomans. Par conséquent, l’essor de chaque empire menaçait l’existence de l’autre. En parlant de chaque empire, nous visons notamment le sultan à Istanbul et le Shah à Ispahan. En revanche, ceux qui payèrent le lourd prix de ce conflit furent malheureusement les minorités non-sunnites, parmi lesquelles les Shiites. Les événements prouvent que ces derniers étaient manipulés par l’empire perse qui n’eut jamais l’intention d’intervenir pour les soutenir. Cette attitude perse à l’égard des Shiites, et notamment ceux du Jabal ‘Amil, n’était pas récente, comme le prouve un texte datant de l’époque de Ja‘far al-Sadiq. Ce dernier décrit les habitants du sud du Liban de cette façon : « Ils sont certainement nos partisans, nos frères qui nous aident. Leurs cœurs s’inclinent vers nous et sont sévères avec nos ennemis, ils sont le gouvernail du navire dans l’État de l’occultation »Note de bas de page 156.

4. Le conflit égypto-ottoman et la guerre de 1831

Au début du 19e s., l’empire ottoman connaît une période de décadence très grave, sa faiblesse irrémédiable découlant de ses crises intérieures, de la mauvaise administration des finances et des guerres successives contre la Russie et dans les BalkansNote de bas de page 157. En 1831, le gouvernement ottoman était au bord de la faillite, ayant déjà perdu sa force matérielle et son prestige moral. En effet, le traité d’Andrinople en 1829 qui mettait fin à la guerre avec la Russie, rendait précaire la situation de l’empire en Syrie, en Iraq et au LibanNote de bas de page 158. Cependant, ce qui empêchait sa chute définitive était le désaccord entre les grandes puissances européennes qui voulaient le démembrer. Pourtant elles intervinrent directement plusieurs fois ; citons par exemple la conquête de Napoléon Bonaparte de l’Égypte en 1798 qui provoqua entre autre en 1831 le conflit égypto-ottoman et la conquête de la Syrie par Mohamad Ali.

Par suite de la conquête de l’Égypte par Napoléon en 1798Note de bas de page 159, l’empire ottoman désigna une personne d’origine macédonienne, devenue plus tard Mohamad Ali, pour prendre part à la campagne contre BonaparteNote de bas de page 160. Ses ambitions, sans limites et sans scrupules, étaient servies non seulement par une volonté de ferNote de bas de page 161 mais aussi et surtout par l’anarchie de l’Empire OttomanNote de bas de page 162. C’est ainsi qu’il fut nommé en 1804 vice-roi ou Khédive d’ÉgypteNote de bas de page 163. Mohamad Ali réussit à transformer l’Égypte d’une province à l’intérieur d’un empire affaibli à une véritable puissance militaireNote de bas de page 164. Une fois qu’il ait eu construit une armée puissante grâce à l’aide des Français, il dirigea quatre campagnes militaires : en Arabie, au Soudan, en Grèce et en SyrieNote de bas de page 165. Les buts de ces campagnes étaient divers : tout d’abord, sa campagne en Arabie lui accordait la légitimité religieuse dont il avait besoin. En outre, sa campagne contre le Soudan visait à acquérir de l’or et des esclaves, indispensables pour son arméeNote de bas de page 166. Ensuite, sa guerre contre l’île de Crète en 1822 ne visait pas uniquement à calmer la révolte grecque, mais encore à obtenir une légitimité politique en montrant sa fidélité à l’égard du Sultan ottoman. Il cherche de même, par le biais de cette guerre, à obtenir des esclavesNote de bas de page 167. La réalisation de ces buts permit à Mohamad Ali d’apparaître comme un souverain puissant, fidèle à la religion et capable de réprimer toute sorte d’opposition. Mais, comme à l’époque ancienneNote de bas de page 168, le fondateur de la nouvelle Dynastie au 19e s. devait protéger son pouvoir par l’annexion de la Syrie, placée en tête de son projet d’expansion dès 1810Note de bas de page 169. Mohamad Ali considérait que l’instabilité politique en Syrie démontrait qu’il était le seul à pouvoir établir le bon ordre et raffermir la puissance du Grand SeigneurNote de bas de page 170. Mais ce dernier sortira plus épuisé que jamais de dix années de guerre, dont celle avec la Russie qui aboutit au traité humiliant d’Andrinople en 1829. Mohamad Ali pensa n’avoir plus rien à ménager que d’affronter directement l’impuissance ottomane par l’instrument militaire qu’il avait déjà si laborieusement façonnéNote de bas de page 171. Ainsi la guerre entre les Ottomans et Mohamad Ali d’Égypte devint inévitable.

L’impact de ce conflit fut très lourd au Proche-Orient, notamment au Liban. Mais, se demande-t-on, pourquoi particulièrement au Liban ? C’est en raison de deux facteurs majeurs, le premier relevant du domaine politique et le deuxième de la géographie. Le facteur politique consiste dans l’alliance nouée entre le souverain égyptien Mohamad Ali et le prince libanais, Bachir Chehab II lors du séjour de ce dernier en Égypte en 1799Note de bas de page 172. Leur intérêt commun était de se libérer du joug ottoman ; aussi Mohamad Ali soutint-il le prince libanais pour qu’il revienne en 1823 à la tête de la principauté. Mais le souverain égyptien attendait de Bachir II qu’il lui paie le prix de ce soutien. Par ailleurs, pour pouvoir comprendre le rôle du facteur géographique, il faut concevoir l’importance stratégique de la montagne Libanaise. Cette importance fut bien exprimée en condensé par Arnold Toynbee dans sa conférence au Cénacle Libanais : « Le Liban est tout d’abord une expression géographique, en effet les caractéristiques géographiques de ce pays manipulent ses potentielles populaires et son avenir [...] ces caractéristiques qui le différencient de tous les pays voisins l’ont rendu un pays exceptionnel semi-miraculeux »Note de bas de page 173. Le Liban, comme espace géographique, pouvait assurer à Mohamad Ali un véritable bastion militaire préservé des attaques par les sommets de la Montagne qui rendent presque impossible l’avancée de n’importe quelle armée. Aussi, attendait-il l’aide de Bachir II lors de sa conquête, afin de protéger le dos de son armée lors sa marche vers le nord.

Cependant, l’émir Bachir était au départ hors d’état de prendre position, que ce soit avec les Ottomans ou avec les Égyptiens, et au début, il tarda à se prononcerNote de bas de page 174. En effet, la situation au Liban lors de la conquête égyptienne était difficile, car le système politique, le pacte chéhabiste, établi par les Druzes en 1679Note de bas de page 175, risquait de s’écrouler pour diverses raisons. Ce système, lors de son établissement, ne prenait pas effectivement en considération les changements politiques et démographiques majeurs qui s’étaient produits à partir du 16e s.Note de bas de page 176 au profit des Maronites. Ces derniers, soutenus par la France, étaient devenus au 19e s. une puissance immense à plusieurs niveaux : démographique, économique et culturel. Par conséquent, l’émir Bachir II, comme tout autre émir, afin de pouvoir régner, se devait d’assurer en premier lieu les intérêts des Maronites, les contribuables de la principauté. Aussi les Maronites virent-ils dans le pacte Chéhabiste la garantie d’un État libanais où ils pouvaient vivre en toute liberté et dignitéNote de bas de page 177. En revanche, les Druzes, qui avaient joui de divers privilèges, dont celui de désigner le prince du Liban, ne cessaient de manifester leurs mécontentements à l’égard du régime, de l’émir Bachir II et des MaronitesNote de bas de page 178. En effet, les Druzes qui avaient perdu progressivement leurs privilèges en raison notamment de leurs guerres internes, avaient essayé de mettre fin à leurs pertes en collaborant avec les OttomansNote de bas de page 179, mais ces derniers n’avaient pas confiance en eux. Étant donné cette situation, les Druzes voulurent, contrairement au pacte chéhabiste, élire le cheikh Bachir Joumblatt qui jouissait d’un grand pouvoirNote de bas de page 180. Cela fut refusé par les Maronites, par l’empire ottomansNote de bas de page 181 et une partie des Druzes. Bachir II ne resta pas les mains croisées et élimina Bachir Joumblatt en 1825 afin de calmer à jamais les protestations des Druzes et de renforcer son pouvoir centraliséNote de bas de page 182. Cela consolida la position des Maronites qui ne virent aucun danger à soutenir la conquête égyptienne en 1831. Au contraire, ils profitèrent de cet événement pour obtenir des privilèges politiques répondant à leur volume démographique, économique et culturel. Un autre facteur encore joua son rôle : c’est que Mohamad Ali était soutenu par la France, la mère tendre des Maronites. En outre, le souverain égyptien était relativement tolérant à l’égard des Chrétiens, déclarant qu’en Syrie ceux-ci « sonneront leurs cloches tant qu’il leur plaira. Je les estime et je veux les délivrer d’un joug odieux »Note de bas de page 183. Cette situation locale compliquée n’était point différente de la situation internationale et ne facilitait guère chez Bachir II la possibilité de prendre la bonne décision. Tout d’abord, la position de l’empire ottoman fut révélée à Bachir II par l’intermédiaire de deux émissaires : La Porte ne voulait ni ne pouvait venir au secours du Pacha d’Acre, déjà assiégé par l’armée égyptienneNote de bas de page 184. Ensuite, le prince libanais ne pouvait pas compter sur le soutien des grandes puissances qui ne s’entendaient guère en effet face au conflit égypto-ottoman. L’Angleterre, la Russie et la Prusse trouvaient plus avantageux de collaborer avec un empire impuissant qu’avec un nouvel empire égyptien. Par contre, la France voyait dans l’ascension de l’Égypte sous Mohamad Ali le seul moyen de mettre la main sur l’ensemble du Proche-Orient.

Bachir II avait l’intention de rester à l’écart du conflit égypto-ottoman, mais il ne put résister longtemps. L’armée égyptienne avait effectivement besoin d’un soutien pour s’emparer d’Acre et continuer sa marche vers l’Anatolie. Mohamad Ali envoya à Bachir II une lettre de menace : « si tu ne te présentais pas sans délai au camp d’Ibrahim Pacha, celui-ci envahirait le Liban avec ses divisions, qui sèmeront la ruine et extermineront la population »Note de bas de page 185. Il ajoute encore qu’il allait « planter le figuier sur les ruines de la Montagne »Note de bas de page 186. Aussi, le prince libanais n’avait d’autre choix que de joindre les troupes égyptiennes en janvier 1832. Mohamad Ali apprenant la nouvelle s’en réjouit, car la présence de Bachir dans le camp d’Ibrahim, c’était la Syrie aux mains de l’Égypte. Après la chute d’Acre, la Syrie s’ouvrit devant Ibrahim Pacha, qui, le 14 juin, avec l’Emir Libanais à ses côtés, occupa DamasNote de bas de page 187 et ensuite courut pour livrer Homs, le 8 juillet après la victoire à la bataille de Qossair. Par conséquent, Ibrahim poursuivait sa marche victorieuse vers AlepNote de bas de page 188.

Comme ses prédécesseurs, Mohamad Ali sut bel et bien manipuler la religion à son profit. Tout d’abord, il ne faut pas oublier qu’il se présentait comme le libérateur et le protecteur de la Mecque. Il affirme en outre que « le prince doit faire observer la religion de son pays »Note de bas de page 189. De plus, il demanda à son fils Ibrahim d’écrire au mufti de Mar‘ash afin d’obtenir un fatwa justifiant la conquête d’Alep, car selon lui, cette ville faisait « partie de la terre arabe sacrée qui devait donc être libérée de la tyrannie, car l’Empire ottoman est allé contre la religion et la chari‘a »Note de bas de page 190. De son côté, l’empire ottoman n’était pas si loin d’une telle manipulation ; il publia un fatwa déclarant Mohamad Ali et son fils Ibrahim des traîtres envers l’État et apostats de la religion musulmaneNote de bas de page 191. La réaction de Mohamad Ali ne tarda pas ; il obtint un fatwa de Sharif de la Mecque déclarant le sultan ‘infidèle’ et indigne de son poste, car il avait introduit et imité des manières à l’encontre de la chari‘aNote de bas de page 192.

Cette invasion égyptienne devint d’entrée de jeu une question internationale, car la victoire d’Ibrahim Pasha ouvrait la route du Bosphore et ranimait le conflit entre Londres et ParisNote de bas de page 193. La menace de graves complications internationales devenait donc sérieuse. En effet, l’Angleterre n’avait jamais éprouvé de sympathie pour Mohamad AliNote de bas de page 194, en raison notamment de son soutien apporté à Charles X lors de l’expédition militaire française en AlgerieNote de bas de page 195. C’est pour cela d’ailleurs que l’Angleterre soutint La Porte contre les ambitions russes afin qu’elle puisse résister aux attaques égyptiennesNote de bas de page 196. Aussi, elle suscita La Porte contre son vassalNote de bas de page 197, néanmoins, toutes les tentatives ottomanes subirent l’échec. Enfin, les grandes puissances européennes réagirent-elles en imposant à Ibrahim Pasha en 1833 la paix de Kutahia, qui l’obligeait à arrêter son avance aux portes de l’Anatolie. En contre partie, l’empire ottoman assurait au vice-roi sa possession héréditaire en Égypte, et celle, viagère, de la Syrie et de la CilicieNote de bas de page 198. Cependant, ce traité ne dura pas longtemps, en effet, l’Angleterre n’acceptait guère que la France élargisse ses colonies en Afrique du nord ainsi que son influence au Proche-Orient. Surtout que, si la Syrie était restée à Mohamad Ali, l’interdiction de tout produit anglais eût été établie par la force des chosesNote de bas de page 199. De son côté, La Porte qui ne s’était jamais résignée à l’abandon de la Syrie subissait en cela l’influence de l’AngleterreNote de bas de page 200. En revanche, la politique française souhaitait à voir le Sultan et son vassal s’entendre directement, sur la base de la reconnaissance au vice-roi de la possession héréditaire de la Syrie. Par contre, la politique des autres cabinets, de Vienne et de Petersbourg, allait en sens contraireNote de bas de page 201.

Les grandes puissances risquaient qu’une intervention directe contre Mohamad Ali et au profit de l’empire ottoman puisse renforcer la situation politique de ce dernier. Aussi, l’Angleterre forma-t-elle une coalition, à l’exclusion de la France, afin d’exploiter le mécontentement que la mauvaise administration d’Ibrahim avait suscité parmi les LibanaisNote de bas de page 202. Les Anglais préparèrent donc le soulèvement du Liban, bastion de l’influence française en Orient et choisi comme pivot d’action et centre d’opérations contre le vice-roiNote de bas de page 203. L’empire ottoman ne s’opposa guère au plan anglais, lui qui rêvait que les Druzes exterminent les Maronites ou l’inverseNote de bas de page 204. Cela est confirmé par un haut fonctionnaire ottoman à Damas selon lequel « en Syrie il existe deux épidémies, les Maronites et les Druzes, tant qu’une communauté puisse abattre l’autre, La Porte se réjouit »Note de bas de page 205. Le général ottoman se rendit compte de toute l’importance que présentait la position stratégique de la Montagne ; dans l’impossibilité de gagner Bachir à sa cause, il tenta alors au Liban une nouvelle politique : soulever les druzes contre BachirNote de bas de page 206. La diplomatie française essaya de convaincre les Maronites de quitter le camp égyptien, comme le prouve un dialogue entre le Supérieur Hanna Doumani et deux émissaires européens. Le Supérieur leur expliqua que les Chrétiens restaient fidèles à la cause d’Ibrahim. Les deux émissaires répondirent que la France ne devait-elle pas appuyer La Porte pour écarter le danger russe, et que c’était là pourquoi toutes les Puissances sont d’accord pour venir en aide au Sultan. Ibrahim sera attaqué de tous les côtés, y compris par les bédouins de l’EstNote de bas de page 207.

Les Maronites refusèrent d’aller contre les Égyptiens car, selon eux, c’est avec Ibrahim Pasha qu’ils avaient joui de leurs droits politiques et civilsNote de bas de page 208. Mais en dépit de leur avis, la coalition internationale se forma et la révolte éclata au Liban le 23 mai 1840. Le soulèvement des Libanais, qui était justifié, revêtait une importance capitale, car ce sont eux qui introduisirent les Égyptiens en Syrie et qui les obligèrent aussi à l’évacuerNote de bas de page 209. Le 31 décembre 1840 marqua la fin de la période égyptienne, et les pays arabes, que Mohamad Ali tentait de soustraire au joug ottoman, retombèrent de nouveau sous l’administration turque. Cependant, la nouvelle occupation ottomane était sous l’influence de grandes puissancesNote de bas de page 210. Cet état de fait n’aurait pas existé sans l’acceptation indirecte de La Porte, préférant donner l’Égypte à une puissance européenne que de la laisser entre les mains de Mohamad AliNote de bas de page 211. En dépit de son retrait de la Syrie, le souverain égyptien put réaliser son but en établissant sa dynastie royale qui régna jusqu’à 1952. Cela permit à l’Égypte de jouir d’une période de modernisation à plusieurs niveauxNote de bas de page 212. Ce n’était certainement pas l’idée d’un État Arabe qui intéressait ce turc de Macédoine qui éprouvaitNote de bas de page 213 un dégoût insurmontable à parler l’arabeNote de bas de page 214. Mohamad Ali avait envahi les pays voisins non pas en tant que libérateur, mais plutôt en tant que conquérant, car il lui fallait de l’argent et des soldats pour réaliser ses vastes projetsNote de bas de page 215. Par ailleurs, ceux qui payèrent lourdement le prix de ce conflit furent les habitants du Mont Liban ainsi que les Chrétiens de Syrie. L’empire ottoman, afin de réinstaurer son pouvoir, voulut se venger de tous ceux qui avaient soutenu Mohamad Ali, notamment les Chrétiens. C’est ainsi que le soulèvement des Libanais contre l’occupation égyptienne se transforma en une guerre civile entre Maronites et Druzes et, en Syrie, entre Chrétiens et Musulmans. Cette guerre s’est achevée au Liban par l’écroulement du système Chéhabiste et la fondation d’un nouveau régime politique, kaemmakam, qui répondait davantage aux intérêts des grandes puissances.

Conclusion

L’étude comparative de ces quatre exemples de conflits et de guerres dispersés dans le temps et dans l’espace nous permet d’en voir clairement les raisons principales ainsi que les conséquences. Elle nous permet de répondre à la problématique suivante : existe-t-il des différences entre les guerres et les conflits d’hier et ceux d’aujourd’hui au Proche et au Moyen-Orient ? Nous pouvons assumer qu’il n’y a pas vraiment de différences. Tout d’abord, les conflits peuvent être abrégés par la simultanéité du repli d’un empire, qui ne peut être que temporaire, et par la montée d’un autre. L’arrivée d’un nouveau souverain nécessite la conduite des guerres et l’intervention dans les affaires de la côte orientale de la Méditerranée afin qu’il puisse se glorifier de sa puissance auprès de son peuple. La politique, tant externe qu’interne de chaque souverain apparaît perpétuellement justifiée par la volonté des dieux, quelles que soient les époques. Les guerres et la fidélité aux dieux sont donc les fondements idéologiques indispensables à la stabilité de chaque royauté. Cela rend presque inévitable l’affrontement, direct ou indirect, entre les différents empires, et ce, à travers toutes les époques. Nous remarquons en outre que la côte orientale de la Méditerranée attire l’attention des grandes puissances impériales pour diverses raisons géopolitiques. Cette région, fournit d’abord des matières premières indispensables, telles que le bois à l’époque ancienne. Ensuite, elle est située sur des voies de communications importantes pour l’acheminement de ressources précieuses, comme l’est actuellement le pétrole. Enfin, elle jouit d’une situation géographique qui permet aux grandes puissances de protéger leur suprématie dans leur pays en écartant le danger des autres empires.

En ce qui concerne les conséquences, celles-ci sont catastrophiques pour la population de la côte orientale de la Méditerranée. Cette population paie les lourds prix des guerres et des conflits au Proche-Orient depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Elle se trouve en tout état de cause, de gré ou de force, au cœur des différents conflits. Cette population est souvent manipulée par les grandes puissances qui ne sont jamais en mesure d’intervenir et de la soutenir directement. Chaque conflit marque un changement politique au sein des cités-états ou des minorités, souvent suivi d’une guerre civile, prix de la stabilité et la prospérité des grandes puissances.

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