Considérations sur la paix au XXIe siècle

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Paulo Roberto Campos Tarrisse da Fontoura
Director-General of the Departament of External Relations of Brazil

La sécurité internationale, la recherche de la paix et la résolution des conflits sont des sujets permanents dans les relations internationales. Sans surprise, tout au long du XXe siècle, et clairement encore au début du XXIe siècle, l'humanité s'est vue confrontée à de nouveaux défis qui menacent la paix collective et qui échappent au domaine militaire tel qu’il est traditionnellement conçu. Comprendre et analyser la nature multidisciplinaire de ces défis est essentiel pour améliorer la capacité de réaction de la communauté internationale.

En ce sens, il est fondamental d'établir un dialogue entre pays, régions, gouvernements et société civile, ainsi qu'entre organisations régionales et internationales. Les représentants gouvernementaux – en particulier ceux qui sont en charge de la défense nationale et des affaires étrangères – doivent constamment perfectionner les instruments de dialogue afin d'inciter une réflexion plus approfondie sur la manière dont le système international se comporte face à de nouveaux scénarios.

Dans ce nouveau siècle, l'association des progrès démocratiques et de l'internationalisation du système productif, du commerce et des finances devrait avoir eu un effet stabilisateur, entraînant une modération des tendances belliqueuses et des menaces au recours à la force. Ces inclinations semblent pourtant persister dans l'ordre mondial. La paix devrait être l'état normal du système international; l'état anormal étant la tension, l'hostilité et les conflits armés. Cependant, les relations internationales n'ont pas réussi à atteindre cet idéal. Le monde continue de vivre sous la menace des arsenaux nucléaires et demeure confronté à des conflits sur tous les continents. La communauté internationale reste aussi profondément marquée par les inégalités, au plan économique comme social.

Face aux changements qui secouent le système international, en particulier à partir des années 1990, on ne peut plus ignorer que la paix ne se limite pas à l'absence de la guerre ou au déclin des conflits dits classiques (qui, bien entendu, doivent toujours être combattus). La paix gagne des contours nouveaux et intègre maintenant les désirs de prospérité et de bien-être socio-économique de la population, qui aspire aussi aux valeurs fondamentales que sont la justice, les droits de l'homme et la démocratie. Ces multiples dimensions de la paix dialoguent entre elles et traduisent les aspirations au progrès existant au sein de la communauté internationale.

Les défis à la paix dans le monde aujourd'hui sont illustrés par une mosaïque de fragilités. Sur le plan militaire, une grande partie du monde est vulnérable à des conflits d'intensités variables (Moyen-Orient et Afrique du Nord, Europe de l'Est, Afrique de l'Ouest et de l'Est, Asie du Sud, entre autres régions). La prolifération de ces conflits démontre que l'ordre international établi après la Deuxième Guerre mondiale ne fonctionne pas de manière satisfaisante pour maintenir la paix, et c’est la raison pour laquelle il doit être repensé. De plus, d'autres préoccupations et craintes non moins importantes surgissent, avec des implications potentielles, voire pour certaines déjà bien réelles, pour le système international.

En ce qui concerne l'environnement, on peut souligner, de manière non exhaustive, le changement climatique ; la détérioration des réserves d'eau douce ; la déforestation et la disparition de la biodiversité ; le déclin des réserves halieutiques ; les limites à la production alimentaire ; l'utilisation intensive des ressources énergétiques non renouvelables ou encore, la possibilité d'accidents chimiques, biologiques et nucléaires (y compris en raison d'activités pacifiques). S’ajoutent à ces défis, les craintes liées à la surpopulation.

Il existe aussi des tensions résultant de problèmes sanitaires et du sous-développement, telles que la faim et la propagation de virus nouveaux et résistants dans les régions les plus pauvres. Le virus Ebola a, par exemple, non seulement constitué une menace pour la santé des populations affectées, mais également un défi social, susceptible potentiellement de déstabiliser la situation déjà fragile du Libéria, de la Guinée et de la Sierra Leone. Il faut aussi mettre en évidence les problèmes sociaux tels que le sous-emploi, le chômage, l'urbanisation rapide, la croissance des villes et l'exode rural. Rappelons-nous aussi des problèmes criminels découlant du trafic de drogue, du blanchiment d'argent, de la contrebande d'armes, du crime organisé et de la corruption.

L'évolution technologique peut également susciter des inquiétudes concernant la paix mondiale lorsqu’elle est liée au développement d'armes de destruction massive, d'armes conventionnelles sophistiquées et de systèmes d'armes létales autonomes, rendus possibles grâce à l'automatisation des arsenaux militaires et aux drones. La potentialité d'attaques cybernétiques constitue également un sujet de préoccupation.

Dans le domaine économique et financier, la volatilité des flux de capitaux à court terme, l'instabilité économique, l'inégale distribution des revenus et le protectionnisme commercial sont de sérieuses sources d'inquiétude. La détérioration de l'économie et la propagation de la pauvreté sont des facteurs qui entrainent souvent conflits et insécurité.

Il y a, enfin, les tensions politiques et religieuses, parmi lesquelles se distinguent diverses sortes de fondamentalismes (État islamique ou Daesh, Boko Haram, Al Sahbab, Al-Qaida, Talibans, entre autres groupes); ainsi que les dévoiements du système démocratique, en particulier au moyen du populisme et de l'autoritarisme, qui affaiblissent les institutions, la justice et l'équilibre des pouvoirs dans une société.

Certaines de ces faiblesses deviennent constantes. Parfois elles sont universelles, d'autres fois localisées, avec plus ou moins d'impacts sur la communauté internationale. Plusieurs d'entre elles sont interconnectées. Cependant, ces nouvelles préoccupations, en règle générale, sont hors de la portée du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui traite des situations impliquant l'emploi de la force pour préserver la paix et la sécurité. Les réponses militarisées et les sanctions ne sont pas adaptées pour faire face aux faiblesses du système. L'ONU dispose, sous son égide, d'autres instances et instruments pour faire face aux défis actuels, mais dans de nombreux cas, ces activités restent périphériques ou insuffisantes.

Malgré ses limites reconnues, l'Organisation des Nations Unies est la seule agence politique et de sécurité de dimension universelle (elle compte maintenant 193 membres) capable d'articuler des réponses multilatérales aux problèmes mondiaux. Son programme multithématique permet à l'Organisation de faire face, d'une manière intégrée, au large éventail de questions liées aux anciennes ou aux nouvelles menaces, afin de promouvoir la paix et la sécurité dans le monde.

Pour répondre aux défis d'aujourd'hui et à ceux qui nous attendent à l'horizon, l'ONU devrait faire son examen de conscience et mettre sa « maison en ordre » : changer les méthodes de travail, améliorer la représentativité du Conseil de sécurité et résoudre les problèmes budgétaires. L'Organisation devrait surtout, dans son travail quotidien, rapprocher la dimension politique de la sécurité internationale (largement associée aujourd’hui à l’utilisation de la force) au développement économique et social, lié au bien-être des populations.

L'ONU, cependant, ne pourra jamais faire face à elle seule à cette multiplicité de défis. La régionalisation occupe une place importante dans le système juridique des Nations Unies. Les organisations régionales et sous-régionales ont un rôle important à jouer au service de la promotion de la paix, dans le respect de la lettre et de l'esprit de leurs actes constitutifs. Ces organisations ont une vaste autonomie pour faire avancer le règlement pacifique des différends, mais une marge d'action limitée quant à la mise en œuvre de mesures coercitives sans le consentement préalable du Conseil de sécurité.

En effet, la Charte des Nations Unies interdit la menace ou l'emploi de la force et attribue au Conseil de sécurité la responsabilité principale dans cette affaire – sauf en cas de légitime défense ou dans l'application d'un mandat délivré par le Conseil. Il s'agit d'un tournant dans l'histoire, puisque dans le cadre du Pacte de la Société des Nations, le recours à la guerre comme moyen de règlement des différends n'était pas interdit, même s’il devait toujours être le dernier recours. En bref, si la Société des Nations a tenté de discipliner l'emploi de la force, les Nations Unies ont transformé la guerre en un acte international illicite.

Ainsi, la protection de la crédibilité du Conseil de sécurité, adapté à la réalité du XXIe siècle, est indispensable. Un affaiblissement du Conseil, au-delà du risque qu’il représenterait pour la stabilité internationale, favoriserait les organismes de consultation à composition restreinte, au sein desquels la plupart des pays n'auraient pas une voix active dans les délibérations. Il faut donc continuellement moderniser le cadre juridique et normatif de l'ONU, quand cela s'avère nécessaire, sans pour autant défigurer l'Organisation.

Parmi les efforts d'adaptation indispensables aux Nations Unies, il convient de souligner le besoin urgent de réformer le Conseil de sécurité, de façon à ce que ses décisions soient revêtues d'une plus grande représentativité, transparence, légitimité et efficacité. Soixante-dix ans après la création des Nations Unies, la structure du Conseil demeure inchangée s’agissant de la catégorie des membres permanents et a connu seulement un changement s’agissant de la catégorie des membres non permanents (augmentation de 6 à 10 sièges en 1965). Alors qu’en 1945 l’Organisation comptait 51 États membres pour un Conseil de 11 pays (soit 22 % de l'Organisation), aujourd'hui 193 États sont représentés par un Conseil de 15 membres (soit 7,7 % des pays). S’il y a, parmi les États membres de l'ONU, un ample consensus quant à la nécessité de réformer l'Organisation, des visions différentes persistent quant à la meilleure façon d'atteindre cet objectif.

Il n'est pas facile, en somme, de faire des propositions en ce qui concerne les vulnérabilités du système international et les possibles actions du Brésil dans ce domaine. La plupart de ces questions sont déjà traitées diplomatiquement dans nos relations bilatérales et multilatérales. Cependant, il serait utile de promouvoir une discussion de fond entre les différents représentants des gouvernements brésilien et canadien – en particulier entre les Forces armées et la diplomatie – sur chacune de ces faiblesses, leurs interconnexions et les moyens pour y faire face. En résumé, pour que l'intégration du pays dans l'arène internationale se fasse de façon harmonieuse, nous devons élargir nos connaissances sur le thème de la paix, en tenant dûment compte du fait que les contours de celle-ci comprennent maintenant plusieurs dimensions, bien au-delà du champ traditionnel de la seule sécurité militaire.

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