Mission de formation en éthique militaire

Dakar, Kaolack, Ouakam et Thiès, 8 au 24 septembre 2014

Direction de l’instruction et de la coopération militaire
Collège militaire royal de Saint-Jean

N.B. Le présent document ne concerne que l’aspect académique de la mission. Un rapport complet, rédigé par Jean Néron, représentant de la Direction de l’instruction et de la coopération militaire, en présente les objectifs généraux, la logistique, l’horaire détaillé, la liste des participants et leurs nationalités, ainsi que tous les aspects administratifs de l’organisation. Ce rapport s’intitule After Action Report. Atelier et Colloques sur l’éthique militaire et la profession d’officier, Sénégal, septembre 2014.

1. Objectif de l’atelier : L’éthique et la profession d’officier

L’éthique et la profession d’officier vise à :

1. Développer chez l’apprenant l’aptitude à appliquer les concepts éthiques militaires canadiens et sénégalais.
2. Rendre les apprenants aptes à faire une analyse déontologique de la profession d’officier.
3. Rendre les apprenants aptes à prendre une décision dans des milieux militaires opérationnels et non opérationnels.
4. Ces trois objectifs sont poursuivis dans le but de renforcer les capacités de formation en éthique professionnelle du corps des officiers des Forces armées sénégalaises et ouest-africaines.

2. Déroulement de l’atelier

Il est divisé en cinq parties principales :

1. 

   Des leçons magistrales dans trois salles distinctes (une par professeur^{Note de bas de page 1}), ou en plénières, pendant lesquelles les professeurs du Collège militaire royal de Saint-Jean présentent les concepts fondamentaux de l’éthique philosophique, de l’éthique professionnelle militaire, du droit international humanitaire et des relations entre la société civile et les forces armées. (15.75 heures.)

2. Des périodes réservées aux rencontres individuelles ou par petits groupes entre les professeurs et les candidats. Pendant ces périodes, les candidats peuvent obtenir des éclaircissements sur les leçons, approfondir des sujets qui les intéressent plus particulièrement, discuter de cas éthiques qui les touchent personnellement, obtenir des explications sur les textes suggérés qui accompagnent les leçons (on verra plus loin que ceci s’est avéré très utile), obtenir de l’aide dans la préparation des travaux à faire en-dehors des heures de cours ou discuter de tout autre question relative à l’éthique professionnelle militaire. Au même moment, les candidats qui n’étaient pas avec les professeurs devaient participer à des périodes de lecture obligatoire. En plus des documents enregistrés électroniquement pour eux, une trentaine de livres étaient à leur disposition à cette fin. (13.5 heures de disponibilité des professeurs et 9 heures de lectures obligatoires concomitantes.)

3. 

   Des études de cas inspirés d’événements réellement survenus dans le monde militaire contemporains. Ceci permet aux candidats d’appliquer les notions apprises dans les leçons magistrales et de partager leurs connaissances, leurs expériences et leurs idées. À cette fin, les candidats étaient répartis en trois groupes, dans trois locaux différents, où les discussions étaient animées par l’un des professeurs du Collège militaire royal de Saint-Jean. (11.25 heures.)

4. Des visionnements de films comportant une dimension éthique et militaire : Paths of Glory (en version française), La Bataille d’Alger et Israel Confidential. The Gatekeepers (sous-titrés en français). Ces visionnements permettaient aux candidats de prendre du recul et d’assimiler de manière concrète et parfois émouvante, les notions philosophiques et éthiques qu’ils venaient d’étudier et de discuter au cours de l’atelier. Ces films ont également permis de donner des références communes lors des discussions entourant les études de cas.

5. 

   Des travaux pratiques : il s’est agi pour les candidats (1) de préparer un exposé oral et (2) de rédiger un rapport écrit. Chaque groupe devait préparer un exposé répondant à une question liée à une problématique issue de l’atelier. Chaque groupe devait aussi écrire un rapport contenant des suggestions, des commentaires ou des remarques sur le document de travail intitulé Éthique militair, produit par les Forces armées sénégalaises et destiné à devenir le manuel d’éthique de tous les soldats du Sénégal. Lors de la dernière journée de l’atelier, un porte-parole de chacun des groupes présentait la réponse de son équipe à la question relative à l’atelier. Dans une deuxième séance, deux autres délégués par groupe présentaient le rapport sur le document portant sur l’éthique militaire sénégalaise.

3. Commentaires et recommandations sur l’atelier

L’atelier s’est bien déroulé. Les candidats ont fait preuve de sérieux et d’application. Il y avait un bon mélange d’officiers expérimentés et de nouvelles recrues, de Sénégalais et de représentants d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest, d’hommes et de femmes (en proportion acceptable, compte tenu de la réalité des armées en Afrique de l’Ouest). Ces officiers étaient capables de se parler et d’échanger des idées avec respect et ouverture d’esprit. Tous ont montré de l’intérêt pour la matière. Il n’y avait ni « absentéisme », ni « présentéisme ». (La présence des candidats a été vérifiée.)

La formule adoptée s’est avérée payante. L’alternance de leçons par petits groupes et en plénière a bien fonctionnée, ainsi que celle entre les leçons magistrales et les études de cas. Les évaluations des candidats montrent un excellent taux de satisfaction pour ces deux aspects de l’atelier. Le choix des films a également été bien accueilli. Nous avons toutefois surévalué les capacités de lecture de l’anglais des candidats. Une partie – un cinquième – des lectures suggérées et enregistrées sur la clé USB que nous avons remis à tous les participants au début de l’atelier était en anglais et la majorité des candidats étaient incapables de les lire convenablement. Nous avons atténué cette difficulté, premièrement lors des leçons en présentant de manière plus détaillée certaines parties de la matière et, deuxièmement, lors des rencontres individuelles avec les candidats en fournissant des explications supplémentaires sur les textes anglais. Mais, il aurait néanmoins mieux valu s’en tenir uniquement à des textes écrits en français. À part cet aspect, les commentaires sur l’atelier ont été positifs et encourageants.

4. Objectif des colloques sur l’éthique militaire

Ces colloques visent à sensibiliser les membres des Forces armées sénégalaises, de l’Afrique de l’Ouest et des autres nations – et tout particulièrement les plus jeunes – à l’importance de l’éthique professionnelle militaire.

Je ne parlerai ici que de l’aspect académique des colloques, puisque le rapport mentionné plus haut donne tous les détails sur la préparation, les participants et les aspects administratifs de ces événements.

Trois conférences sur l’éthique professionnelle militaire ont été prononcées par M. Marc Imbeault, doyen à l’enseignement et la recherche du Collège militaire royal de Saint-Jean :

1. Les trois philosophies morales classiques, École nationale des sous-officiers d’active (ENSOA), Kaolack, 19 septembre 2014.

   Cette conférence a pour but de synthétiser les idées maîtresses des trois philosophies morales classiques de la tradition occidentale et d’en montrer l’intérêt pour la profession militaire, notamment pour les sous-officiers. Elle a, de plus, pour objectif d’en discuter l’application à quelques cas inspirés d’expériences réellement vécues par des sous-officiers lors de déploiements récents.

   

2. Légalité, moralité et prise de décision éthique, École des officiers de gendarmerie nationale (EOGN), Ouakam, 22 septembre 2014. Cette conférence vise à faire la distinction entre les différentes institutions normatives qui guident nos actions comme les coutumes, les religions, les lois, la morale ou l’étiquette pour se concentrer ensuite sur les différents modes de prise de décision éthique. Elle a aussi pour objectif d’appliquer ces modes de prise de décision à des études de cas inspirés de faits vécus impliquant des gendarmes en opération ou en garnison.

   

   

3. L’éthique des vertus. Une approche classique de l’éducation militaire, École d’application de l’infanterie (EAI), Thiès, 24 septembre 2014.

   Cette conférence montre le lien profond entre l’éthique des vertus prônée par Aristote, l’éducation en général et l’éducation militaire en particulier. Elle situe d’abord l’éthique dans la philosophie aristotélicienne et discute ensuite du rôle des institutions politiques dans l’exercice de la vertu au niveau individuel. La dernière partie de la conférence porte sur le développement de « modèles » et analyse l’exemple du roi des Spartiates Léonidas et du corps des « Marines » aux États-Unis. Comme pour les autres conférences, celle-ci vise aussi à engager une discussion à partir de quelques études de cas inspirés de faits vécus.

La participation des militaires présents dans les trois écoles a été exemplaire. La formule combinant une conférence suivie d’une session d’études de cas s’est avérée fructueuse.