Appareils Canadair CL-415 - Pour une application multifonctionnelle?

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F Pierre Gingras
C M R 7843, 1964
Octobre 2014

Image : CL 415, Version militaire, Indonésie

Partie 1 : Introduction

1.1 Origine de l’étude

La polyvalence des appareils CL-415 est apparue lors des études de construction du complexe Grande-Baleine, en 1994-95. Un problème important résidait dans la stratégie à appliquer pour réaliser le plus rapidement possible une route d’accès de 260 kilomètres entre La Grande-2 et Poste-de-la-Baleine.

Par route d’hiver, les entrepreneurs amenaient d’abord à pied d’œuvre équipements, campements, matériaux et main d’œuvre au centre du tronçon de route qui leur était adjugé, de 30 à 50 kilomètres chacun, puis, ils se pressaient ensuite pendant tout l’été pour se rejoindre l’un l’autre avec une première route de pénétration. Les travaux seraient ensuite terminés selon les normes prescrites une année plus tard, notamment en ce qui regardait les ponts permanents et les coupes de pierre importantes.

Mais un problème demeurait : celui de desservir ces équipes isolées tout au cours de l’année. L’hélicoptère demeurait le moyen le plus évident, quoiqu’excessivement dispendieux. D’interminables discussions auront alors lieu, notamment sur la possibilité d’aménager des aéroports de fortune, pour accueillir des DC-3, appareils dont l’usage était très répandu à l’époque, mais qui est devenu plus rare de nos jours. Puis, on s’aperçut qu’un lac capable de recevoir un CL-415 existait en moyenne aux trois à cinq kilomètres! Or, un tel appareil pouvait transporter jusqu’à 34 passagers ou 8 tonnes de fret.

Pour des raisons politiques, le projet de Grande-Baleine fut abandonné... après 500 millions d’investissements! De nos jours, il est toutefois de plus en plus réclamé par cette population alors demeurée en marge du développement.

Par la suite, une réflexion s’est imposée, encore et encore, et a pris progressivement forme : l’intégration du CL-415 à de multiples missions militaires. Cette réflexion a pu s’appuyer également sur le fait que la Grèce et l’Indonésie ont par la suite effectivement acquis ces appareils à des fins militaires.

Sur les différents types de missions analysées dans cet article, la quasi-totalité relève de compétence fédérale, alors que seules les provinces sont actuellement équipées de CL-415, et ce, à la seule fin de combattre les feux de forêt, mission bien saisonnière les laissant inactifs la plupart du temps. On reste rêveur devant la polyvalence sans égal du CL-415, un des derniers gros hydravions sur le marché.

Par la seule capacité de remplir de multiples missions courantes ou parfois imposées par un contexte politique très récent, cet appareil pourrait possiblement constituer un des outils de base de la force aérienne du Canada tout en répondant simultanément aux besoins de plusieurs autres ministères et organismes gouvernementaux.

En regroupant ces appareils au sein des Forces armées canadiennes, ces nouvelles applications se feraient de façon beaucoup plus économique. Le projet ne serait applicable qu’à 20 % que la proposition serait déjà intéressante, surtout au moment où le Canada doit renouveler plusieurs parties de sa flotte aérienne.

1.2 Hypothèse

Il semblerait opportun de regrouper au sein des Forces armées canadiennes la cinquantaine appareils de type CL-415 actuellement dispersés dans les agences provinciales, et ce, pour cinq raisons principales, à savoir :

  • utiliser ces appareils simultanément pour une multitude d’autres missions que la seule lutte aux feux de forêt;
  • utiliser ces appareils à longueur d’année, donc occuper un personnel hautement qualifié mais inactif une grande partie de l’année;
  • disposer d’une force d’envergure à la fois polyvalente et capable de mobiliser rapidement une force d’intervention tant militaire qu’humanitaire ou civile;
  • optimiser les coûts d’entretien et d’exploitation en regroupant ces appareils au sein d’une seule organisation;
  • utiliser les bases des Forces armées canadiennes éviterait tous ces coûts de location d’aéroport défrayés par les gouvernements provinciaux.

Une revue rapide des missions civiles et/ou gouvernementales pouvant être confiées à des appareils de type CL-415 permet ici de mettre en évidence des possibilités très spéciales offertes par ces appareils.

Dans le cadre de sa politique étrangère traditionnelle axée sur les interventions humanitaires et de maintien de la paix, le CL-415 pourrait constituer possiblement l’outil pour répondre aux besoins du gouvernement du Canada, tant au sein de l’OTAN que pour les missions confiées par l’ONU et/ou d’autres organismes communautaires internationaux.

En effet, si l’on pouvait, lorsque requis, utiliser ses réservoirs d’eau, d’une capacité de quelque 4 000 litres, à titre de réservoirs de carburant, le rayon d’action de l’appareil s’en trouverait augmenté appréciablement. Un simple système de rinçage serait requis. Ainsi, le CL-415 pourrait réaliser des missions d’urgence même à très longue distance à quelques heures d’avis. Dans un cadre opérationnel militaire où il se déplacerait par escadrille de plusieurs appareils, sa polyvalence lui permettrait même de se déplacer avec sa main d’œuvre d’entretien et ses pièces de rechange, ce qui lui donnerait une rare capacité d’intervention, n’importe où dans le monde, à quelques heures d’avis.

Image : Appareil CL-515, prêt pour intervention

1.3 Respect des compétences fédérales et provinciales

Le contrôle des feux de forêt relève des compétences des gouvernements des provinces. Toute opération de ce genre serait coordonnée par les agents de liaison des provinces, qui sont d’ailleurs responsables également des services d’incendie opérant au sol.

Les Forces armées canadiennes opèrent régulièrement à la demande des autorités provinciales lors des situations de crise, comme ça a été le cas pour les inondations (récemment dans les régions de Winnipeg et de la vallée du Richelieu), la crise du verglas et justement, lors de feux de forêt de grande envergure, notamment dans la vallée de l’Okanagan.

On peut présumer que les mêmes conditions d’intervention déjà bien rodées s’appliqueraient.

1.4 Rôles internationaux exclusifs du Canada?

La Provence, la Côte d’Azur, l’Italie et la Grèce sont de plus en plus frappées par des feux de forêt incontrôlables. Il est vrai que la France est déjà pourvue d’une certaine flotte d’appareils CL–415, fort populaire d’ailleurs. L’Ouest américain, surtout la Californie, est également frappé chaque année. Advenant un nouveau typhon aux Philippines ou un autre tsunami en Indonésie, on profiterait certainement d’un soutien rapide et massif le long de ces côtes généralement isolées. Un moyen efficace pour transporter une équipe médicale ou un premier ravitaillement dans des régions dépourvues de pistes d’atterrissage élaborées est parfois requis.

Une réponse massive à ces urgences par une force canadienne opérant ces gros hydravions s’intègrerait en tous points aux politiques internationales habituelles du Canada concernant toutes ces missions humanitaires.

Dès les premières opérations, ce succès remarquable constituera un outil de promotion et de vente aux retombées économiques prometteuses.

Image : Appareil CL-415, diverses phases d'intervention

Image : Appareil CL-415, exercice d'incendie

Image : CL-415, agencement général

Partie 2 : Missions

2.1 Mobilisation rapide d’une force d’intervention

Encore une fois, les caractéristiques de vol et le fait que le CL-415 soit amphibie en font l’outil idéal pour déposer et soutenir les équipes humanitaires ou militaires que le gouvernement du Canada déploie de plus en plus souvent, presque à chaque été, notamment dans l’océan Arctique canadien. Il pourrait aussi desservir des équipes de relevés techniques, de prospecteurs, de pompiers ou de scientifiques.

Un CL-415 est déjà capable de transporter jusqu’à 34 personnes, soit l’équivalent d’un peloton d’infanterie. Il serait possible de modifier l’appareil, si ce n’est déjà fait, pour l’équiper d’un treuil/monorail afin de lui permettre de transporter des véhicules de loisir de type 4 roues, véhicules à tout faire dans un pays en développement, dans le Grand Nord canadien comme en Afrique ou ailleurs. Une ouverture pourrait lui permettre également de manutentionner des « palettes » de dimension standard. Enfin, l’équipement pourrait comprendre des embarcations gonflables de type « Zodiac », de quelque 15 par 8 pieds de dimension.

Le CL-415 constitue d’ailleurs le seul outil capable d’assurer immédiatement une présence massive du Canada n’importe où dans ce territoire Arctique dont le partage fait l’objet de revendications régulières entre les États-Unis, la Russie, la Norvège et le Canada. Les journaux suivent régulièrement ce débat.

D’autre part, en cas d’urgence, c’est une équipe médicale complète qu’un CL–415 peut amener à pied d’œuvre n’importe où sur le territoire du Canada, à quelques heures d’avis. Dans le cas où des troubles se produiraient dans des communautés isolées, il est évident que le premier geste posé par les insurgés serait de bloquer la piste d’atterrissage locale. Avec un CL-415 capable de déposer 34 personnes, soit l’équivalent d’un peloton d’infanterie, sur un plan d’eau situé généralement à quelques kilomètres, cette piste d’atterrissage ne s’avérerait plus vraiment indispensable.

Enfin, encore une fois, ses caractéristiques de vol en font un excellent appareil de transport pour le parachutage de troupes ou d’unités d’intervention spéciales.

2.2 Feux de forêt

Les CL-415 ont d’abord été conçus pour la lutte aux feux de forêt. Ses possibilités sont bien connues et une longue présentation n’est pas nécessaire. Toutefois, il est intéressant de réfléchir sur le contexte plus récent de ces incendies, à savoir leur intensité croissante et phénoménale, possiblement reliée aux changements climatiques.

La rapidité d’intervention devient d’une importance capitale!

Une théorie récente veut que l’efficacité atteinte de nos jours pour éteindre un feu de forêt ait pour conséquence de permettre à long terme la croissance d’un sous-bois très dense. Autrefois, les feux de forêt plus fréquents nettoyaient régulièrement la forêt de ces sous-bois, et ce, sans avoir l’intensité nécessaire pour consumer les gros arbres. Avec le temps, la croissance de cette végétation secondaire fait que désormais, le jour où un feu de forêt se déclare, ces sous-bois alimentent un incendie suffisant pour raser également les arbres matures et devenir très rapidement incontrôlable. Il faut ajuster les moyens à cette nouvelle férocité des feux de forêt.

Un CL-415 arrose une surface d’environ 35 par 100 mètres, dans le meilleur des cas, ce qui demande environ 300 passages par kilomètre carré. Ainsi, dans les cas d’incendie incontrôlable tels que celui qui s’est produit dans la vallée de l’Okanagan en 2003, ou comme ceux qui se produisent régulièrement en Californie ou en Provence, une flotte de cinq appareils ayant un temps de cycle idéal de dix minutes, n’arrosera ce kilomètre carré qu’une fois aux dix heures. Autant admettre que la cause est perdue d’avance.

Ces incendies gigantesques exigent désormais une approche massive et stratégique, impliquant une flotte de dizaines d’appareils coordonnés avec une discipline et une efficacité de premier ordre. Or, opérer une flotte d’une telle envergure n’est possible que dans un contexte idéalement militaire, par une large équipe entraînée puis déployée avec rigueur. La rentabilisation d’une telle flotte reposerait sur la réalisation de plusieurs missions, à longueur d’année.

On impute aux changements climatiques les immenses feux de forêt survenus en Californie et au Colorado depuis quelques années. Or, depuis 2014, pour la première fois, le gouvernement américain a demandé le soutien de CL–415, contrairement à la tradition d’utiliser n’importe quoi d’autre, soi-disant pour favoriser ses vétérans.

Situation

Sur le plan international, on s’imagine le prestige et le respect que recevrait le gouvernement du Canada en déployant massivement, par exemple, une escadrille de 50 appareils en Provence, en Grèce ou en Californie, ce qui est tout à fait concevable dans un cadre opérationnel militaire. Ainsi, pour un temps de cycle de 7 minutes, par exemple, l’opération représente une mission aux 6 secondes environ, ce qui permettrait enfin d’espérer venir rapidement à bout d’un incendie des plus violent.

2.3 Secours et sauvetage, missions humanitaires

Ces missions relèvent déjà du ministère de la Défense nationale. Considérant les caractéristiques des grands espaces du Canada où, on le souligne à nouveau, il est généralement possible de poser un CL-415 à une distance de 3 à 5 kilomètres de l’objectif, un appareil déjà équipé d’une infirmerie de première ligne pourrait faire une différence énorme lors de cataclysmes, d’épidémies, de naufrages, de feux de forêt ou autres incidents importants.

La possibilité est d’autant plus évidente que ces communautés isolées sont presque toujours installées sur la rive d’un plan d’eau important; autant en ce qui concerne les communautés autochtones que les grands chantiers hydroélectriques, les villages de pêcheurs où les camps miniers. Les appareils de type « Hercule », actuellement utilisés notamment pour rechercher les avions disparus, ne disposent pas de cette capacité de se poser immédiatement sur les plans d’eau. Ils doivent plutôt diriger ensuite des hélicoptères. Faut-il souligner d’ailleurs qu’une bonne part des accidents est justement reliée aux hydravions, au moment des amerrissages ou des décollages.

Sur le plan international, lors de sinistres majeurs tels que le passage d’ouragans tropicaux en Amérique centrale ou en Indonésie, ou encore de tremblements de terre, de telles missions de secours, encore une fois, correspondraient à merveille à la politique étrangère du Canada axée le plus souvent sur des missions humanitaires.

Situation

Plus récemment, lorsque des tsunamis ont balayé les rives de l’océan Indien et du Japon, on reste songeur devant les services qu’auraient pu rendre, par exemple, une flotte d’une centaine de CL-415, chacun capable de se poser avec huit tonnes de matériel et de repartir avec 30 personnes ou une vingtaine de blessés, plusieurs fois par jour, n’importe où le long ou sur les rives, du moins pour les quelque 80 % du temps où les conditions de la mer le permettent dans cette partie du monde, et ce, dans les 48 heures après la catastrophe.

2.4 Surveillance de l’environnement

Les caractéristiques de vol du CL-415, telles que son long rayon d’action, sa capacité de voler lentement à basse altitude et sa possibilité de transporter une équipe importante avec ses instruments scientifiques répondent en tous points aux exigences du rôle de surveillance de l’environnement, depuis les vidanges d’huiles illégales effectuées par des navires en mer jusqu’à la progression de certaines épidémies ou parasites forestiers.

Le CL-415 peut notamment déceler et surveiller, par exemple, les déversements clandestins de résidus pétroliers le long des voies maritimes, les déplacements de bancs de poissons ou de troupeaux de phoques ou de caribous. Le CL-415 peut aussi intervenir directement pour surveiller la pratique même de certaines chasses ou de certaines pêches, pour rapporter la position des conteneurs si régulièrement échappés des navires lors des tempêtes, et peut même se poser en mer à certaines occasions, surtout en eaux intérieures, notamment dans les nombreux bras de mer et baies de l’Arctique canadien.

Des patrouilles régulières à basse altitude, avec possibilité de déposer des équipes d’intervention sur les lacs, rivières et réservoirs des aménagements hydroélectriques, pourraient s’avérer d’une importance stratégique primordiale.

Situation

Ayant passé ma vie à construire des barrages, en mon for intérieur, je demeure hanté par la facilité avec laquelle des ouvrages en remblais pourraient être sabotés.

Aussitôt une voie d’eau ouverte, l’érosion ouvrirait la digue en moins de dix minutes et tous les ouvrages situés en aval, sur des centaines de kilomètres, seraient emportés. On parle ici de dégâts qui se chiffreraient en plusieurs dizaines de milliards de dollars. Toute une partie de la production industrielle du pays se retrouverait également immobilisée.

2.5 Surveillance et reconnaissance maritimes

Avec la lutte aux stupéfiants et à l’immigration illégale et surtout, avec la lutte au terrorisme, le Canada devra de plus en plus patrouiller dans ses eaux pour assurer le contrôle de la navigation et pouvoir déceler à temps les menaces qui approchent de ses côtes.

Les passeurs professionnels et sans scrupules, qui déversent parfois des centaines d’immigrants illégaux sur les côtes de l’Italie et d’ailleurs, finiront bien par traverser l’océan Atlantique avant longtemps. Avec ses valeurs et ses lois humanitaires exceptionnelles qui font qu’il est nécessaire de suivre de dix-huit à trente mois de procédures simplement pour expulser un petit vendeur de drogues fraîchement débarqué illégalement la veille, on imagine le bourbier dans lequel serait empêtré le gouvernement du Canada si 500 ou 1 000 personnes mettaient les pieds dans les provinces maritimes ou sur la côte nord du fleuve Saint-Laurent. Une telle situation pourrait d’ailleurs aussi bien se produire, plus facilement encore, dans un village autochtone du Nord canadien, où la logistique accentuerait encore davantage la complexité du problème.

Situation

Imaginons le tableau suivant :

Harrington Harbour, sur la Côte-Nord, là où a été filmée « La Grande Séduction », où sont isolés 150 villageois déjà démunis, lesquels sont réveillés un matin par la clameur de 750 immigrés illégaux débarqués à 2 kilomètres du village pendant la nuit, par des passeurs déjà au large; des Africains et des Arabes, incapables de communiquer, affamés, sans vêtements d’hiver, dans un état de santé déplorable. Or, il est possible que scénario soit encore plus réaliste que le scénario du film.

D’autre part, il est devenu plausible et très sérieux de craindre qu’une arme atomique ou biologique soit cachée dans un des 1 250 000 conteneurs qui transitent chaque année dans le seul port de Montréal.

Un navire d’apparence inoffensive ne devrait pas pouvoir s’insérer dans le flot du trafic maritime et pouvoir s’approcher de nos côtes. Tous les navires devraient pouvoir être identifiés « de visu » alors qu’ils sont encore à 100 milles ou plus des rives du Canada; ce qui demande encore une fois un appareil à long rayon d’action capable de voler lentement à basse altitude pendant des heures. La surveillance par satellite serait ainsi complétée. Cet appareil doit pouvoir d’ailleurs demeurer en communication constante avec les diverses autorités portuaires pour confirmer que chacun des navires est effectivement attendu et que son chargement a été dûment vérifié à l’embarquement.

Surveillance des pêcheries

Dans ses politiques visant à étendre les limites des eaux territoriales du Canada de 12 à 200 milles des côtes, mesure indispensable à la gestion efficace des pêcheries, le gouvernement du Canada se doit de s’équiper d’appareils capables, encore une fois, de disposer d’un long rayon d’action, de voler lentement et à basse altitude, de transporter une équipe de spécialistes et enfin, à l’occasion, d’opérer également de nuit, par surprise.

2.6 Opérations anti-sous-marine

Ces opérations sont actuellement conduites à grands frais par des avions gros porteurs quadriréacteurs de type « Aurora ». La vie utile de ces avions dispendieux achève de toute façon.

Avec la fin de la guerre froide, l’intérêt pour les opérations anti-sous-marines semble parfois s’être quelque peu amoindri dans toutes les marines de guerre du monde. Toutefois, le Canada ne peut se permettre de négliger ce type d’opérations s’il veut maintenir sa souveraineté sur le territoire Arctique. L’objectif n’est pas de livrer combat, mais simplement d’affirmer notre présence et notre capacité d’intervention, surtout que la navigabilité de ces eaux est annoncée par les environnementalistes dans un horizon d’environ deux décennies, possiblement moins! Certains conflits diplomatiques ont déjà eu lieu.

Avec l’odeur de pétrole de plus en plus forte qui se manifeste dans ce vaste territoire nordique, avec la publication de concepts de moins en moins fantaisistes de pétroliers sous-marins indépendants des conditions de navigation, le besoin de développer nos capacités anti-sous-marines est plus criant que jamais. Encore une fois, le CL-415 pourrait répondre en partie à ces besoins d’un appareil anti-sous-marin, avec sa capacité de transporter une équipe de surveillance et tous ses appareillages de détection sophistiqués dont la taille et le poids sont de plus en plus réduits.

Un tel appareil doit pouvoir notamment « semer » des bouées d’écoute et les récupérer ensuite sans se poser, ce qui demandera la mise au point d’une certaine quincaillerie. Enfin, ce qui est exceptionnel dans ce domaine de la lutte anti-sous-marine est le fait que les conditions de mer de l’Arctique permettraient bien souvent à un CL-415 de se poser et d’attendre patiemment que sa proie finisse par devoir bouger et dévoiler ainsi sa présence, ce qui constituerait une évolution majeure dans la guerre anti-sous-marine.

2.7 Surveillance de l’Arctique canadien

L’exercice de cette souveraineté, souci important du gouvernement du Canada, doit pouvoir s’exercer encore de bien d’autres façons. Ainsi, depuis les années cinquante, le gouvernement du Canada jongle avec l’idée d’un dispendieux brise-glace armé, de gros gabarit, dont l’unique fonction serait justement de confirmer cette présence canadienne. En fait, depuis le temps que l’on en parle, on devrait en être maintenant à la troisième génération de ce fameux brise-glace que l’on attend encore! Pendant cette même période, pour leur part, les Russes ont opéré avec une flotte comptant jusqu’à six gros brise-glaces à propulsion nucléaire, avec ce même objectif de souveraineté.

Or, quels que soient son prix, sa taille et ses caractéristiques, un tel brise-glace ne pourra jamais qu’être à un seul endroit précis à la fois, contrairement à une escadrille de plusieurs dizaines d’appareils capables d’assurer une multitude de missions simultanément partout dans les territoires nordiques, à un coût bien inférieur.

Récemment, le gouvernement du Canada lançait plutôt le projet d’une flotte de huit à douze navires de surveillance nordique, de la taille d’un destroyer d’escorte. Les premières soumissions présentées semblent bien au-dessus des budgets prévus. Le projet n’avance guère.

2.8 Arrosages et épandages

Une autre application évidente est celle d’un arrosage du genre de celui réalisé pour le contrôle de la tordeuse de l’épinette au cours des années quatre-vingt, mission qui peut déjà être effectivement réalisée de façon idéale par le CL-415. Mais, justement, la génétique se développe, et les applications nouvelles se multiplient. Des organismes génétiquement modifiés pour ne s’attaquer qu’à un type de plante ou de parasite existent déjà. D’autres produits génétiques permettent d’accélérer la croissance des végétaux en captant plus efficacement le CO2.

La génétique pourrait bientôt permettre de produire des défoliants qui ne s’attaquent qu’à des plantes bien spécifiques. L’arrosage pourrait donc également devenir de plus en plus un moyen de lutte aux stupéfiants, tant au Canada contre la culture du cannabis qu’ailleurs dans le monde, à la demande de gouvernements étrangers où de l’ONU, pour l’élimination par défoliants du pavot, de la marijuana ou de la coca. L’approche est appliquée en Amérique du Sud.

Cependant, ces missions perdraient leur caractère civil; elles représenteraient des missions dangereuses et nécessiteraient des tactiques militaires appropriées, telle la capacité d’opérer de nuit, par surprise complète, donc à partir de bases éloignées et souvent étrangères. Une certaine protection, possiblement d’un blindage amovible, pourrait être requise.

Enfin, il existe des gaz de guerre inoffensifs mais capables de rendre l’ennemi ineffectif pour quelques heures. Cet appareil pourrait bien s’acquitter de ce genre d’arrosage ou de pulvérisation, capable de permettre ensuite une intervention sur le terrain pour « trier le bon grain de l’ivraie », dans un village où règnent le terrorisme et la subversion.

2.9 Gunship

Ce concept d’appareil lourdement armé principalement de « gatling guns » et même parfois d’un canon de 105 mm, utilisé pour attaquer les forces terrestres ennemies au sol, a vu le jour au Vietnam, et a connu un énorme succès. On a d’abord utilisé à cette fin des vieux DC–3, puis ensuite, des appareils de type Hercule.

Or, encore une fois, à cause de ses caractéristiques de vol (lenteur et vol à basse altitude), le CL–415 devrait théoriquement s’avérer plus facile encore à adapter à ce genre de mission. Sa capacité de chargement permet d’y embarquer quelques armes de ce type. De plus, le profil plus carré de sa coque et de son fuselage permettrait plus facilement d’y ajouter un certain blindage, amovible. Enfin, son aile haute lui donne un gros avantage de vision et de champ de tir.

Enfin, en cas de menace aérienne, la place ne manque pas non plus, sur un CL–415, pour installer l’appareillage nécessaire au fonctionnement d’un ou deux missiles Sidewinder et de « leurres » de protection. Ne parle-t-on pas d’ailleurs, de temps à autre, d’installer de tels « leurres » sur des appareils civils opérant dans des aéroports exposés au terrorisme?

Situation

On imagine ce que pourrait possiblement faire un tel appareil contre les petits détachements de « Janjawids » du Darfour, les pirates des côtes de Somalie, en opérant de nuit contre les talibans au moment où ceux-ci reviennent terroriser les villages, de même que sur leurs convois d’approvisionnement souvent constitués d’hommes et d’équipements montés sur de simples camionnettes.

Partie 3 : Mise en oeuvre

3.1 Aspects politiques

Tant au niveau du gouvernement du Canada qu’au niveau des gouvernements des provinces, le contexte est « aux coupures de budget » et à la rationalisation, avec, à nouveau, un bruit de fond croissant concernant le déséquilibre des finances et la péréquation. Ce projet visant à regrouper au sein des Forces armées canadiennes la cinquantaine de CL-415 actuellement dispersés répond en tous points à ces objectifs d’économie!

Il est excessivement rare qu’un investissement militaire puisse ainsi être simultanément justifié par ses nombreuses autres applications civiles et gouvernementales. La polyvalence du CL-415 permet la réalisation de cet objectif exceptionnel de tout gouvernement.

Dans un premier temps, rassembler les flottes provinciales, qui comptent une cinquantaine d’appareils, au sein des Forces armées canadiennes constituerait une façon fort élégante et efficace d’effectuer un transfert de fonds du gouvernement du Canada vers les provinces, tout simplement en prenant en charge les opérations relatives aux feux de forêt, et tout en multipliant les fonctions de ces appareils peu utilisés, pendant une bonne partie de l’année, et ce, afin de réaliser des économies considérables.

Sur le plan international, le gouvernement du Canada disposerait alors de l’outil idéal pour réaliser ses politiques axées avant tout sur les missions humanitaires et la sécurité. Des rôles spécifiques enviables lui seraient forcément attribués en fonction de ce nouvel outil constitué par l’utilisation massive du CL-415, et ce, tant au sein de l’OTAN qu’auprès de l’ONU et des autres organismes internationaux. Il deviendrait encore une fois un partenaire fort apprécié.

De plus, la présence constante des militaires canadiens au sein de la population, telle que requise pour remplir cette multitude de missions civiles et gouvernementales importantes, constitue également un atout appréciable. Cette présence soutenue du gouvernement du Canada au Québec et ailleurs influencera également le contexte politique national.

D’autre part, il n’est pas requis d’insister sur les économies d’opération d’une force aérienne dont 90 % des besoins et des missions seraient remplis par le même appareil de base. Et sur le plan commercial, l’exemple risque de créer un phénomène d’entraînement et de créer des marchés d’exportation importants. Plusieurs autres pays pourraient ensuite vouloir s’équiper d’un appareil aussi polyvalent.

Enfin, personne n’a contesté jadis la nécessité, pour la force aérienne du Canada, d’avoir acquis un jour une flotte de 138 appareils F-18. Alors, considérant la multitude de missions à remplir avec une flotte d’appareils de type CL-415, dans ce nouveau contexte mondial, on conviendra que l’acquisition éventuelle d’une flotte de quelques 100 à 150 appareils serait infiniment plus justifiable encore sur le plan politique.

3.2 Implantation progressive

En effet, une fois ce projet de cette nouvelle force aérienne acceptée par le gouvernement du Canada et les gouvernements des provinces, dans un premier temps, les opérateurs et gestionnaires en place pourraient être transférés dans la force de réserve et constituer le noyau par excellence de cette nouvelle unité.

Ce noyau d’instructeurs déjà très expérimentés serait d’ailleurs appelé à participer au développement des autres versions requises du CL-415.

Le projet ne serait appliqué qu’à 20 % que la proposition serait déjà intéressante, surtout au moment où le Canada doit renouveler plusieurs parties de sa flotte aérienne.

3.3 Vers une première réflexion?

Quel serait le risque de procéder à une première réflexion de ce projet si canadien dans tous ses aspects?

Même si ce projet n'était réalisé qu'à 50 % ou 25 %, tant en termes de polyvalence que du nombre de provinces participantes, l'équipe d’un tel projet aurait tout de même développé un nouveau champ d'intervention, des avancées techniques et surtout un réseau de collaborateurs des plus précieux à la grandeur du Canada et de l'industrie. Enfin, le projet répond très bien aux préoccupations actuelles concernant la recherche d'efficacité opérationnelle et économique.

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