Qu'est-ce qu'une secte? Ou qu'est-ce qu'elle n'est pas?

The following article has been provided by external source. The Government of Canada and Royal Military College Saint-Jean are not responsible for the accuracy, reliability or currency of the information supplied by external sources. Users wishing to rely upon this information should consult directly with the source of the information. Content provided by external sources is not subject to official languages, privacy and accessibility requirements.

Odette Bélanger

En ce qui concerne cette dernière notion [de secte], il convient de noter qu’il n’existe pas de définition juridique valable et signifiante du mot secte.

Olivier-Louis Séguy

Ce mot est devenu péjoratif. Par conséquent, la tendance dans les milieux universitaires est de le mettre entre guillemets.

Étymologiquement parlant, le mot « secte » renvoie au latin

« secta déclinaison de sequi signifiant « suivre », c'est-à-dire des « émanations de religions déjà établies » ou un « groupement autour d'un maître à penser », ils ne sont pas tous des sectes au sens de « groupement religieux dangereux » [Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Secte].

Dans le dictionnaire Antidote, on en donne la définition suivante :

  • Groupe religieux isolé, parfois issu d’une grande religion. Secte chrétienne, juive, protestante, hérétique, zen. Adeptes d’une secte.
  • Groupe de personnes partageant la même idéologie.

Le Robert, pour sa part, atteste que la « secte » est

un « groupe organisé de personnes qui ont une même doctrine au sein d'une religion. » L'Église catholique serait donc une « secte » au sein de la religion chrétienne, de même que « le thérévada (se réclamant du bouddhisme le plus orthodoxe) serait une secte bouddhiste. » De même, les adeptes de Pythagore formaient une « secte », l'école philosophique des cartésiens était une « secte », etc.

Comme je le disais plus haut, l’étymologie du mot « secte » vient du latin secta de sequi « suivre un enseignement ».

Vu sous cet angle, Jésus, un essénien qui s’est coupé de la tradition juive en son temps et autour de qui des apôtres se sont regroupés pour le suivre formait donc une « secte ». Tout ceci pour dire que ce mot a existé de tout temps, mais n’avait pas la connotation négative qu’il a de nos jours. Pourquoi?

Les exactions de certains groupes connus

On se souviendra de certains groupes aux comportements inacceptables. Je pense à l’affaire Roch Thériault, dit Moïse, qui, entre autres atrocités, avait coupé le bras d’une de ses disciples, Gabrielle Lavallée, et qui a fait l’objet d’un livre [Lavallée, 2009]. Par ailleurs, selon un sociologue ainsi qu’un spécialiste des religions, le « massacre de Jonestown en 1978 » le « suicide-homicide » (sic) de 53 membres de l’Ordre du Temple solaire au Canada et en Suisse » [Introvigne, Melton, p. 16 et 17] ont fait réagir le gouvernement français qui a produit un rapport tentant de dresser une typologie des « sectes » [Introvigne, Melton, p. 26] sans toutefois y parvenir et pour cause, car, selon ce rapport, une « secte » est

un « mouvement se présentant comme religieux » qui présente au moins l’une des dix caractéristiques suivantes : « la déstabilisation mentale; le caractère exorbitant des exigences financières; la rupture induite avec l’environnement d’origine; les atteintes à l’intégrité physique; l’embrigadement des enfants; le discours plus ou moins anti-social (sic); les troubles à l’ordre public; l’importance des démêlés judiciaires; l’éventuel détournement des circuits économiques traditionnels; les tentatives d’infiltration des pouvoirs publics (...). [Introvigne, Melton, p. 10].

Il va sans dire que l’on pourrait prendre chacun de ces critères et les attribuer à tout ce qui forme une société. Ainsi, la société dans plusieurs de ses aspects serait une « secte »… Par exemple, une manifestation de citoyens et citoyennes serait vue comme un trouble à l’ordre public alors qu’il s’agit d’un droit en démocratie. On ne peut donc pas, selon moi, classer des groupes dans une catégorie impossible à correctement définir pas plus, d’ailleurs, qu’on ne devrait employer le mot « gourou » très galvaudé de nos jours, car, à l’origine, ce mot voulait dire : celui qui déchire les voiles intérieurs et aide ainsi l’individu à éviter toute confusion, à faire le point entre différents éléments composites de sa personnalité, à éviter les pièges de l’imaginaire pour ne se concentrer que sur l’essentiel, c’est-à-dire, sa propre évolution.

Il est vrai, cependant, que certains groupes ont des idéologies et des croyances étranges ou qui, du moins, nous paraissent à ce moment-ci inacceptables ou douteuses. Soit! Mais, chacun n’a-t-il pas droit à ses propres opinions? L’important devient donc une question juridique. Si tel ou tel groupe nous semble discutable, mais qu’il ne commet pas d’actes irrépressibles ou criminels, alors sa liberté d’expression prévaut.

Les dérives et agissements concernent tout groupuscule, voire la cellule familiale elle même où il se peut qu’un de nos enfants ne se conduise pas comme il le devrait. Il s’agit d’une personne au sein d’une famille. Allons-nous pour autant taxer cette famille de « secte »? Si au sein d’un gouvernement des individus ont des comportements inappropriés, ce qui arrive n’est-ce pas, allons-nous dire que ce gouvernement est une « secte »? On voit bien que ce mot ne veut plus dire grand-chose et que nous ne devrions plus dans les médias ou autrement l’employer, sinon en précisant le sens qu’on lui donne.

Sur le plan international, l’ONU a fait le point en 1997 dans un rapport qui disait que ces groupuscules [les sectes] « doivent bénéficier de la protection généralement reconnue aux religions (…) dans la mesure où elles dépassent la simple croyance pour faire appel à la divinité ou au moins au surnaturel, à l’absolu et au sacré, elles entrent dans la sphère du religieux. » [Le Figaro, 2 mars 1997].

D’un point de vue historique, Anne Morelli, historienne et professeure belge, a été choisie comme experte par la Commission d’enquête parlementaire sur les sectes.

Quatre-vingt-dix groupes qui tombaient sous cette terrible appellation de « sectes » ont été étudiés et Madame Morelli s’est évertuée à dénoncer certains de ces groupes comme étant des « lobbys anti sectes ». Elle nous invite alors à nous poser une autre question : « quelle différence y a-t-il entre une secte et une religion? » Selon elle, « il n’y a pas d’autre différence que le regard que pose la société et ses médias sur tel ou tel groupuscule, mouvement, Église (sic). Toutes deux procèdent du même phénomène humain, la croyance en une certaine forme d’irrationnel ». Elle conclut en posant la question « Dans ces conditions, pourquoi l’État (sic) belge reconnaît-il et finance-t-il l’Église catholique et pas les Témoins de Jéhovah et la Scientologie? Une question de rapport de force ».

Sur ce même site internet, l'historienne met donc en garde contre « les risques de toute chasse aux sorcières ». Cela peut paraître ironique, mais Mme Morelli « plaide pour une tolérance religieuse élargie à tous les ‘fous de Dieu’, qu’ils appartiennent aux grandes ‘multinationales’ de la religion ou aux petits groupes indépendants, parmi lesquels il y a peut-être les futures grandes religions de demain. » Elle n'hésite pas à dire « que les sectes ne sont encore en matière de ‘nocivité’ que de pâles amateurs à côté des grandes multinationales des religions, dont les morts sont à comptabiliser par millions. »

Traumatisme vécu

J’ai personnellement vécu un vrai traumatisme quand ma communauté d’adoption, l’aumisme, que je fréquente depuis 1970 a ainsi été injustement taxée de « secte dangereuse » dans le Rapport parlementaire de 1996 en France. Un théologien et professeur de renom, attaché à l'Université McGill, et récemment décédé, le Dr Gregory Baum écrivait :

« Cette communauté pacifique et contemplative a été la victime de l'hystérie des mouvements anti-cultes. La France n'a pas voulu protéger leur droit à la liberté religieuse. Pourquoi les suicides du Temple Solaire ont-ils débouché sur la persécution de ce monastère en France tandis que rien de la sorte n'est arrivé ici au Québec ? Pour des raisons historiques, la démocratie nord-américaine s'inscrit fortement dans la liberté de religion et le respect des mouvements religieux non-conformistes. En revanche, la France de l'après-Révolution a hérité d'une tradition rationaliste qui revendique la validité universelle, un legs intellectuel qui laisse peu de place au pluralisme culturel et religieux. (Voir le site du Centre d'Information et de Conseil des Nouvelles Spiritualités) [Voir http://www.cicns.net/france-anti-sectes-04.htm].

Il faut savoir que le fondateur de cette religion nouvelle (une religion qui existe depuis plus de 40 ans est bien installée) a toujours enseigné à ses fidèles l’essentiel, c’est-à-dire la libération spirituelle. Alors que l’on soit taxée de « secte » est tout à fait inacceptable. J’en veux pour preuve les quelque douze ans où j’ai vécu dans cette communauté. Il ne faudrait surtout pas qu’au Québec on prenne exemple sur la France en la matière.

Sur la base d’un texte sacré de l’Inde qui dit que, « quel que soit le Nom par lequel on me désigne, je demeure le même » le seul dogme de l’aumisme c’est donc l’Unité des Visages de Dieu et le souhait de ramener les religions à cette unité se base sur la répétition du Son-mère de tous les sons, la plus haute vibration AUM (OM). Ainsi, chaque religion tout en conservant ses propres assises et croyances culminerait au sommet de l’Hexamide. [Voir le site officiel aumisme.org – sous symboles]. Loin d’être une « secte », en fait, les apôtres de cette religion cherchent à atteindre, comme on peut le lire sur son site internet, « l’équilibre du corps et de l’esprit », à « prier pour l’évolution des êtres », à « aider le genre humain à progresser dans la voie de la tolérance, de l’harmonie et de la paix », toutes choses à l’ordre du jour dans la quête du mieux vivre ensemble. Elle tend à réconcilier la science et la religion, l’une et l’autre étant nécessaires puisque la science répond au comment tandis que la religion pose la question pourquoi. C’est donc en apportant « des solutions claires, pratiques, sur les problèmes de nos sociétés contemporaines comme les relations de couple, l’éducation et l’avenir des jeunes qu’elle propose de sortir de la crise morale et spirituelle actuelle en donnant un sens à l’existence et en aidant chacun à cheminer dans la voie de l'amour, et en tablant sur de nouvelles perspectives que ce soit sur la mort, la réincarnation et la psychologie humaine ».

Non seulement l’aumisme n’est pas une « secte », mais elle est reconnue comme religion qui cherche à réunir en son sein « les perles spirituelles de l’Occident et de l’Orient mystiques. Cette philosophie unitiste ne demande pas à ses fidèles d’abandonner leur religion d’origine. » Au plan international, avec « ses évêques, prêtres et prêtresses, ses fidèles l'aumisme» est « structuré en église » [Site officiel de l’aumisme : www.aumisme.org].

J’ai été très choquée quand j’ai su que l’armée à une certaine époque avait envahi le Mandarom (Cité sainte de l’Aumisme), sans crier gare en bousculant les résidents et résidentes, donnant des coups de pied dans les tibias de son fondateur appelé par ses disciples Sa Sainteté le Seigneur HAMSAH MANARAH. J’en suis tombée malade en octobre 1997. Toute cette violence contre lui et la communauté a eu un impact sur sa santé et il nous quittait en mars 1998. Il a fait son chemin de croix. Le directeur de la publication de l’I.N.R.S. (Institut National de la Recherche spirituelle), Monseigneur Schaffner, commentait dans sa lettre no 15 du 25 avril 1996 voulant que

« la religion aumiste en France a fait l’objet d’une descente très musclée de la gendarmerie et de la police le 12 juin 1995 à 6 h 30 du matin par des unités en tenue militaire fusil mitrailleur au poing, pistolets, matraques, ceintures de munitions, certains en tenue de commando avec cagoule brassards… sous le regard de TF 1 dûment invité à cette mise en scène » ajoutant qu’il aurait suffi, si problème il y avait, d’un “mandat d’amener ou une citation à comparaître”.

Il se dit de plus atterré quand il apprend que « les autorités locales mentionnent ouvertement dans la Presse que leur but est de “mettre fin à l’expérience de la religion Aumiste” » puis il ajoute que sa « réponse à tout ce tumulte est encore l’enseignement du Christ :“On reconnaît l’arbre à ses fruits”. »

Je lis dans le journal Réforme du 7-13 février 2002 (chaque semaine un regard protestant sur l’actualité) le propos de l’ethnologue Maurice Duval qui a écrit un livre intitulé Un ethnologue au Mandarom – enquête à l’intérieur d’une « secte » que :

« Son [Gilbert Bourdin alias le Messie cosmoplanétaire] corps fut veillé trois jours durant par les adeptes, à l’athénée, chambre mortuaire locale… et que, malgré leur tristesse, les adeptes maîtrisaient leurs émotions et que la mort n’était pas autre chose que ce que dit leur croyance : le passage vers d’autres mondes en attendant le retour dans un nouveau corps. Selon le groupe, Gilbert Bourdin souhaitait être enterré dans son monastère, comme cela se pratique régulièrement dans les monastères chrétiens. Malgré ce désir, le préfet refusa, invoquant les risques de “trouble à l’ordre public”. On demanda alors au maire de Grasse l’autorisation de faire enterrer le gourou dans le cimetière communal puisqu’il était mort dans cette ville. Refus, après que le maire eut appris que les adeptes prieraient cent huit jours et cent neuf nuits devant la tombe…

Le préfet demanda alors au maire de Castellane, ville dont relève le monastère. Refus, le maire ayant peur de voir sa commune devenir un “deuxième Lourdes”! Le Mandarom fit donc une demande pour que le corps soit transporté, en attendant, au monastère. Autorisation accordée, mais, avant d’y arriver, le convoi funèbre fut stoppé par 70 gardes mobiles, accompagnés du sous-préfet, et conduit au “dépositoire” du cimetière avec un arrêté du maire limitant à dix jours l’autorisation de séjour du corps… Devant le bâtiment entouré de gendarmes, les aumistes se relayèrent pour prier, avec toutefois l’interdiction de pratiquer la nuit. Enfin, après dix-huit jours d’épisodes rocambolesques, de péripéties administratives et politiques, le Seigneur Hamsah Manarah fut enterré de force dans le “cimetière de Castillon”, un lieu où furent inhumés les restes du cimetière du village avant que celui-ci soit englouti par les eaux du barrage EDF et où tout autre enterrement est interdit! “Peut-on se souvenir d’un homme à qui l’on aurait refusé son enterrement?”, demande Maurice Duval. »

De toute évidence, les autorités d’alors et l’armée ont été odieuses en nous empêchant de ramener le corps du fondateur de l’aumisme en la Cité sainte et en l’enterrant manu militari dans un ossuaire désaffecté. Il y a beaucoup de littérature sur le sujet. Je ne veux pas trop m’étendre ici, ce n’est pas le but. Je veux simplement marteler le fait que l’emploi du mot « secte » peut avoir des conséquences graves.

Affubler un groupe ou groupuscule de « secte » sans en connaître les tenants et aboutissants relève de la malhonnêteté. Les fausses rumeurs et les ouï-dire qui influencent tout un chacun ne doivent pas faire autorité. Quand je me suis inscrite à une maîtrise en science des religions à l’UQAM, je n’ai pas hésité une seconde même si on me mettait en garde comme quoi il faudrait que je prenne de la distance par rapport à mon groupe d’élection, ce que j’ai très bien su faire. Mon mémoire s’intitule donc L’aumisme — étude religiologique. [Voir le lien archipel dans la bibliographie ci après]. D’entrée de jeu, je fais le point dans ce mémoire sur la vocation de l’aumisme en précisant :

Les raisons qui ont motivé mon choix d'étudier l'aumisme tiennent surtout au fait que cette religion a souvent fait les manchettes en France à une époque où elle était amalgamée à la redoutable appellation de « secte ». Or, il m'a semblé que c'était là une injustice puisque, comme ce mémoire en fera foi, tous les critères généralement associés à ce qu'on appelle une religion sont présents dans l'aumisme et je concluais que : L'histoire de l'aumisme est marquée par la controverse qui entoure « les sectes » en France, là où se situe le Mandarom et là où doit être construit le Temple Pyramide. C'est pourquoi nous nous permettons, dans le cadre de ces dernières pages, d'insister sur la nécessité de considérer cette religion nouvelle comme... une religion…

Pour ne pas conclure

Alors, comme je crois l’avoir démontré, il est dangereux de parler de « secte » sans connaître les fondements d’un groupe.

Qu’est-ce donc qu’une « secte » ou qu’est-ce qu’elle n’est pas?

Je crois avoir suffisamment fait le point et j’invite donc les autorités, les médias, les citoyens et citoyennes à réviser leur jugement. La « secte », ça n’existe pas! Seuls existent des individus qui se comportent mal en société et ne respectent pas la règle de droit.

Toute personne ou tout groupe qui commet des délits doit faire l’objet de sanctions pénales, mais tout groupe ou groupuscule qui n’entre pas dans cette catégorie doit être protégé démocratiquement.

BIBLIOGRAPHIE

Me Olivier-Louis Séguy, Le rapport parlementaire « Les Sectes en France » ou l’apologie du soupçon dans sous la direction de Massimo Introvigne et J. Gordon Melton, Pour en finir avec les sectes – Le débat sur le rapport de la commission parlementaire, éd. CESNUR – DI GIOVANNI, juin 1996, p. 156.

Voir le site internet http://fr.wikipedia.org/wiki/Nouveau_mouvement_religieux.

Le Figaro, L’ONU défend les sectes, 1er et 2 mars 1997 (Nº 16342).

Gabrielle Lavallée, L'alliance de la brebis : Rescapée de la secte de Moïse, Éditions JCL, coll. « Second Souffle », août 2009, 2e éd. (1re éd. 1993), 362 p.

Note : voir aussi le livre de Jean-Yves Roy intitulé Le syndrome du berger : essai sur les dogmatismes contemporains.

Sous la direction de Massimo Introvigne et J. Gordon Melton, Pour en finir avec les sectes – Le débat sur le rapport de la commission parlementaire (note : en France), CESNUR – éd. DI GIOVANNI, p. 16, 17

Ibid., p. 26.

Ibid., p 10.

Voir le site internet http://atheisme.free.fr/Atheisme/Bibliographie_morelli.htm

Gregory Baum sur Centre d'Information et de Conseil des Nouvelles Spiritualités) (voir http://www.cicns.net/france-anti-sectes-04.htm.

La doctrine de l’aumisme : (voir www.aumisme.org).

Odette Bélanger, L’aumisme – étude religiologique, sur http://www.archipel.uqam.ca/4563/1/M12382.pdf

Date modified: